samedi 8 septembre 2007

Paul Vergunsten vous dites?

Paul Vergunsten. J’étais près à parier que c’était un canular. Paul Vergunsten auquel on m’avait tant de fois identifié. Paul Vergunsten qui avait été 18, puis 57, mon partenaire, voisin de siège. Paul Vergunsten qui avait pris, pour moi, un poignard dans l’abdomen. Celui-là même qui avait fini calciné dans l’écrasement du Boeing.

Paul Vergunsten…

- Vous avez l’air surpris Gautier,… pardon Vergunsten!
- C’est que je ne crois pas que le nom me colle à la peau. Vous n’auriez pas une autre carte comme Aimé Letendre?
- (Le général fit un signe au Caporal qui se tenait près de lui, qui fouilla une mallette et remit deux cartes au Général) Voilà, nous avons Béatrice-Marie Tremblay-Potvin ou Rachid Azgada Francoeur. Rachid, ça vous va?
- À bien y penser, je crois que je vais conserver Paul Vergunsten.
- Bon, le Caporal va vous remettre votre uniforme dans la pièce voisine. Vous avez des questions?
- (J’hésitais) Heu... Oui. La bague, je fais quoi avec?
- (Caressant sa nuque, le Général me considéra un instant) La bague…Hum… Vous avez bonne mémoire…
- Mon Général … (lui dit le Caporal en regardant sa montre Swatch)
- Vous la garderez. Garder aussi le manipule, le pallium et la calotte. Surtout la calotte. Il y a un émetteur que les Janitors utilisent pour suivre les déplacements du Saint-Homme.

Une fois l’uniforme enfilé, je montais dans un taxi. Ce dernier s’élança vers la Puerta de Alcala. Au passage, je pris le temps d’admirer le paysage.

vendredi 7 septembre 2007

Big Briefing

Le général prit une grande inspiration, et lanca:

- Voilà: nous devons parler au pape, mais les questions que nous avons pour lui ne lui plairont certainement pas; il est impossible d'espérer une audience en bonne et due forme. Il nous faut donc provoquer une rencontre. Le problème est qu'il est assez amoché côté santé, et, par voie de conséquence vu son statut, accompagné en permancence par 27 infirmières et 12 médecins. Sans compter les 56 zouaves qui forment sa garde personnelle. Autre ennui: sa tournée en Espagne, même si elle s'avère providentielle, requiert qu'on lui voie sa tronche en public une fois de temps en temps. Et c'est ici, Gauthier, que vous entrez en jeu.
Vous prendrez l'identité d'un zouave et irez rejoindre deux collègues ayant déjà infiltré les gardes; dans 48 heures, le planning papal prévoit une petite sieste avant l'apéro. Pendant que nos agents garderont la sainte chambre, vous l'assommerez, le mettrez dans le garde robe (vous verrez, y a la place), où l'on viendra le récupérer plus tard. Dans la table de chevet vous trouverez un masque de latex de Jean XXIII qui restera collé 24 heures sur votre visage sans que vous puissiez l'enlever (c'est les chimistes de la SQ qu'ont inventé ça, sont super hot). Là, on vous enverra d'autres instructions. Voilà votre nouvelle identité de zouave.

Il me tendit un badge; je lis le nom à côté de ma photo.

- Paul Vergunsten?

jeudi 6 septembre 2007

Veau, vache, cochon, couvée

Je profitai d'un moment de repos pour examiner plus attentivement le panneau central du Jardin des délices. Il n'était pas sans me rappeler les tableaux naïfs que grand-mère aimait peindre avec le sang frais du veau que feu son mari aimait occire les soirs de pleine lune.

Je gardais d'ailleurs précieusement dans ma poche arrière une petite copie d'une de ses oeuvres. Je la montrai à Héléna.

- Héléna, voyez ici ce que je tiens dans ma main.

- Vous êtes un goujat Gautier!

- Non, non, l'AUTRE main, Héléna.


- Sans vouloir manquer de respect, elle n’avait aucun talent la vieille. Et ce n'est pas du tout un veau, vous aurez remarqué.

- En fait, si l'on compare l'ADN des deux bêtes, le cheval et le veau sont semblables à 98.6 %.

- Et tout ceci est censé nous mettre sur la piste de...

- C'est vous la triathlonienne deux fois médaillées aux Jeux du Commonwealth, c'est à vous de me dire.

Le général interrompit notre conversation.

- Bon, au moins ça avance ce dossier. Je dois donc prendre pour acquis que la situation papale a été réglée?

Le silence qui s'ensuivit dans la pièce fut très peu rassurant.

- Bordel! tonitrua sans ménagement le Généralissime. Selon Radio Vatican, il sera en territoire espagnol mardi. Vous sentez-vous à la hauteur, Gautier?

- Oui bien sûr, comptez sur moi! Euh... je dois faire quoi exactement?

Le César va à... Helena!

Enfin, le mystère se révélait peu à peu. Helena semblait avoir un rôle différent que celui qui lui avait été attribué. Où était passé son accent?

- Quel bel accent vous avez là. C’est belge?
- Non suédois.
- Vous ne boitez plus.
- Apparemment, non.
Je me sentais rougir. Je revoyais les moments intimes de notre première rencontre, lorsqu’elle m’avait offert une vodka.
- Et votre cœur va bien?
- Oui.
- Vous savez Gautier, Helena est une triathlonienne deux fois médaillées aux Jeux du Commonwealth – intervint le général.
- Oui, bon… passons – dit-elle d’un air impatient.

- Vous dites que la solution serait dans ce tableau? – demandais-je.
- J’admets que ça fait cliché – répondit-elle.
- Effectivement.
- Un peu Hollywood… - ajouta-t-elle en levant les yeux.
- Je me rappelle ce film… un navet. Hudson Hawk, avec Bruce Willis – ajouta le général
(puis continua)
- Le type avait à faire avec une machine à transformer le plomb en or…
- Foutaise. – dit-elle d’un ton sec.
(puis ajouta)
- Il est impossible de transformer le plomb en or.
(sortant les boules de ma poche)
- Et ces boules-ci, on pourrait les changer en or mon général?
- Donnez-moi ces boules Gautier –dit-elle. Elles ne sont pas en plomb, c'est de l’uranium.
- Et bien mince alors! Ça explique la radioactivité. Et l’inscription?
- C’est une anagramme Gautier. – intervint fièrement le général.
Quel délire me dis-je ! Avec ma chance proverbiale, j’étais à nouveau tombé sur une bande d’abruti.

Le Jardin des délices

Le cortège s’arrêta devant le musée du Prado. Je fermai le portable après avoir sollicité l’amitié d’un 864e Claude Meilleur.

– Vous ne trouvez pas que l’on a mieux à faire que de visiter le Prado? dis-je à Gerry.

Le généralissime Classifié sourit à ma remarque. « Vous n’avez pas lu vos dossiers récemment. La base opérationnelle de l’Organisation se trouve désormais au deuxième sous-sol de ce musée. Venez. Elle nous attend. »

Je n’avais visité le Prado qu’une fois dans la vingtaine. Je ne verrai pas Vélasquez et Goya cette fois-ci. On me dirigea dans un couloir où l’on prit une porte dérobée puis un escalier. Cet escalier débouchait sur un couloir, qui, lui, donnait sur plusieurs portes. Le général en ouvrit une.

Effectivement. Elle m’attendait. Helena. Dans un sarrau blanc, qui masquait ses formes voluptueuses.

– Bonjour Gautier. On peut dire que vous nous compliquez l’existence. Vous avez eu des ennuis avec votre oreille à ce que je peux voir. On a tant à se dire, mais allons à l’essentiel. Rendez-moi mes boules!

– Et pourquoi devrais-je le faire? Je ne suis pas une poire, belle Hélène.

– Ces boules contiennent un secret qui dépasse vos maigres connaissances, Gautier. On les a retracées pour la première fois au cours de la Reconquista. Hieronymous Bosch les a étudiées en son temps. Son chef d’œuvre Le Jardin des délices révèle d’ailleurs une partie de leurs secrets. Voyez par vous-même.

Helena me montra l’original de Bosch, installé sur le mur de gauche.

Le Jardin des délices (panneau central). Hieronymous Bosch. Circa 1501.

"Nobody expects the spanish inquisition"

Il faisait beau ce matin-là, à Valencia en 1484, lorsque les gardes vinrent chercher Margarita. Elle devait être exécutée exactement dix minutes après le lever du soleil.

On l'avait amenée, puis attachée sur le bûcher, et un officier lui lisait un truc en latin pendant que le bourreau approchait avec sa torche. Soudain on entendit quelqu'un crier, entrant au grand galop sur la place. De quelques mouvements rapides, il dégaina son épée et décapita tout ce qui ressemblait à un homme armé dans un rayon de cent mètres, ce qui lui donna le temps de détacher Margarita et de s'enfuir avec elle. Après quelques minutes à cheval, ils descendirent, et l'homme expliqua:

- Je suis Claude Meilleur. Vous ne deviez pas mourir par les flammes ce matin. Par une succession d'événements dont je vous passerai les détails, ça donne cinq minutes d'avance à mon avion (un genre de gros oiseau en métal) dans un futur éloigné, ce qui m'arrange pas mal.

Émue, mais ne comprenant rien à ce qu'il disait, elle lui offrit modestement son plus beau trésor, deux boules en acier poli, parfaitement lisses et brillantes.

- Merci, dit Meilleur, avant de lui couper la tête d'un geste distrait. Fallait juste pas qu'elle brûle.

Le jet privé se posa sur la piste, alors qu'un 737 en provenance de Rome envoyait un message de détresse sur la fréquence. Richard Gauthier devint livide; Meilleur, de son côté, affichait un sourire satisfait.

mercredi 5 septembre 2007

Claude Meilleur en beau tarmac

Les ordres venaient d’entrer sur la radio du coquepitre. Claude Meilleur souriait.

– Je n’aime pas les décollages, ça me fout des problèmes de pression Monsieur Gautier. Par contre, je n’ai rien contre les atterrissages pimentés. Je vous conseille d’aller boucler votre ceinture Monsieur Gauthier.
– Nous allons nous rediriger vers un aéroport mineur de Madrid, dit le pilote.
– Il n’en est pas question, s’opposa Claude Meilleur. Vous vous posez ici même et au diable les véhicules d’urgence qui arrivent en trombe sur le tarmac. Je vous paie un bon salaire pour obéir à mes ordres, tabarn... (C’était pour rimer avec tarmac). Il faut rejoindre cet avion et retrouver Gautier avant que… attendons voir… à Madrid c’est Gerry… que Gerry lui mette la main au collet!
– Comme vous voulez boss, mais il se peut que je grafigne la carrosserie un peu. Accrochez-vous comme il faut.

Et le sol rougeâtre des environs de Madrid se rapprocha lentement des fenêtres du cocképitre sous les imprécations anglo-franco-hispanophones de la tour de contrôle.

Lorsque les roues se posèrent sur la piste, Meilleur remarqua la tête reconnaissable entre mille du Général Classifié s’engouffrer dans l’une des voitures avant que le cortège s’éloigne de l’épave du 737.

– Eh merde! Il nous a doublé le salaud, lança Claude Meilleur dégoûté.

Le livre des faces

- Vous avez internet dans votre véhicule ?

- Bien sûr, c'est très pratique. L'autre jour, je me demandais où est-ce que je pourrais manger russe dans Madrid. Je tape dans Google et hop, un tas de restos, les descriptions, un plan détaillé pour s'y rendre. C'est presque magique.

- Vous permettez que je vous emprunte votre portable, Général Classifié ?

- Bien sûr, mais appelez-moi Gerry.

- Merci Gerry.

Je commençais par vérifier mes messages. Des menaces, du junk, des ré-abonnements. Le véhicule se rendait rapidement au coeur de Madrid. Enfin, un peu d'aide. Tiens, et si j'en profitais pour googler ce fameux Claude Meilleur…

(Bruit de clavier rapide, comme dans les films)

Mince. Internet était peuplé de Claude Meilleur. Des tas et des tas. Je me décidais à consulter ma fiche dans Facebook. Plus de 3600 Claude Meilleur. Je décidais de les inviter à être mes amis afin de leur tendre un piège…

Comme dans les films

Engagés comme ils l'étaient dans cette passionnante discussion, Gauthier et Meilleur n'entendirent qu'à moitié le capitaine annoncer d'une voix routinière leur arrivée prochaine à Madrid, en même temps que le succès retentissant du potage aux cretons servi par l'unique agent de bord, Jean-Marcel, dont la patch qu'il portait sur son oeil droit laissait planer une certaine inquiétude quant à sa capacité à manier convenablement l'AK-47 qu'il se trimballait en bandoulière.

Le capitaine haussa les épaules devant l'ignorance que lui vouaient les deux uniques passagers de son jet privé, et retourna dans le croquepique en se disant qu'il aurait plutôt dû suivre ses passions et faire carrière dans les ballets jazz.

Madrid n'était plus qu'à une vingtaine de nautiques.

- Madrid, Charlie fox alpha, Lear 70 à 3000 pieds au point papa bravo, pour atterrir, estimée dans 5 minutes.
- Charlie fox alpha, ici Madrid, vous êtes numéro deux derrière le 737 en train de s'écraser... en fait non, allez-donc vous poser ailleurs.

Gauthier et Meilleur dressèrent la tête en entendant le dernier message. On recevait le 737 en détresse sur la fréquence : "Mayday, mayday, inspecteur Gauthier aux commandes du 737, tout le monde est mort dans l'avion sauf moi passque j'aime pas la soupe au potiron, je sais pas piloter, j'ai même pas de permis de conduire, à l'aide!"

Richard Gauthier devint livide; Meilleur, de son côté, affichait un sourire satisfait.

mardi 4 septembre 2007

Claude?

Richard Gautier était donc arrivé à l’aéroport Pierre-Elliote-Trudeau dans une américaine noire pour prendre un jet Bombardier avec Claude Meilleur quand celui-ci ouvrit une bouteille de Scotch.

-Vous en voulez?

-Jamais avant le décollage, jeune homme.

-Je ne suis pas un jeune homme, je suis Claude Meilleur.

-Oui, vous êtes Claude Meilleur, vous me l’avez dit tout à l’heure. Quel âge avez-vous, Claude?

-J’ai 132 ans.

-Je vois. À quoi occupez-vous vos pensées ces jours-ci?

-Monsieur Gautier, je dois retrouver votre fils.

-Oui… vous devez retrouver mon fils…

-Oui, c’est ce que je viens de dire!

-Et pourquoi devez-vous retrouver mon fil, Claude?

-Parce que c’est ma mission.

-C’est votre mission, je vois. Et comment vous sentez-vous dans cette mission?

-Pourquoi me posez-vous cette question?

-He bien, vous êtes venu me chercher, Claude.

-Oui, pour retrouver votre fils.

-Ressentez-vous de la pression en ce moment?

-Je supporte mal la pression atmosphérique, les décollages sont un enfer pour moi.

-Et c’est pour cette raison que vous vous adonnez à l’alcool, Claude?

-Non c’est que j’ai une grippe à casser. Bon maintenant, je dois savoir ce que vous savez sur votre fils.

-Vous sentez-vous persécuté, Claude?

-Monsieur Gautier, vous voyez que nous sommes dans un avion.

-Oui, je vois que nous sommes dans un avion, Claude, le voyez-vous aussi?

-Je deviens fou où c’est vous qui l’êtes?

-Qu’en pensez-vous, Claude?

Swing de l'enfer

- Tiens, maintenant je suis un maudit chacal. Et vous, général, qui êtes-vous? Et ne me dites pas Claude Meilleur sinon j'ordonne moi-même à vos sbires de me mitrailler.

- Mon nom est Classifié. Général Germain Classifié.

- Nous devons travailler pour la même organisation. Je présume que chef quelque chose est votre supérieur immédiat.

Le général Classifié semblait disparaitre sous son béret. Je poursuivis :

- Et j'imagine que vous croyiez que mon nom Paul Vergunsten, n'est-ce pas ?

- C'est ce qu'on m'avait dit. Vergunsten travaille pour nos services, mais depuis quelque temps nous croyions qu'il avait été soulevé, que c'était une taupe. Il se faisait aussi appeler 57, entre autres. Je crois que je peux vous présenter mes excuses, monsieur… monsieur ?

- Inspecteur Gauthier fera l'affaire.

- Mais nous nous connaissons, dans ce cas. Nous avions participé à une partie de golf de levée de fonds pour une association prète-nom habilement dissimulé en chambre de commerce d'une petite ville de la Rive-Sud de Montréal.

- ah oui ! Je vous reconnais. Ce doit être l'uniforme. Vous aviez un swing de l'enfer.

- C'est ce qu'on dit, dit-il, pas peu fier.

- Pouvez-vous m'aider ? J'ai des affaires urgentes à régler ?

- Bien sûr, moi et mes hommes sommes à votre disposition, inspecteur !

Traumatisme crânien

Je me réveillais d'une énième perte de conscience, le manche à balai entre les pattes.

Du cocpitre il ne restait rien. J'étais sur mon siège, dans le milieu d'un champ. Je risquais un oeil derrière moi : débris métallique en flamme éparpillé sur des kilomètres.

J'avais réussi à poser ce coucou sur la piste (et un peu hors de celle-ci, je prenais la clé des champs, aurait-on pu penser). Les passagers, surtout québécois, applaudissaient mon atterrissage quand une terrible déflagration interrompit le cours de mes pensées avant de re-subir un traumatisme crânien.

Je détachais ma ceinture et courais vers la partie la plus complète de la carlingue en flamme. Je localisais plus ou moins l'endroit où j'avais été assit, avec 57, qui était maintenant carbonisé. À ses pieds, je trouvais ce que je cherchais, mon sac à moitié brûlé, par chance.

Je sortais les boules de leur coffret. Elles étaient brûlantes. L'inscription relisait étrangement. Je soupirais de soulagement.

- Mes précieuses, m'entendis-je dire.

Les secours arrivaient. Parmi les camions d'incendie, un véhicule vint à ma rencontre. Je m'attendais à ce genre d'escorte; j'avais une mission à terminer.

Une trentaine de militaires sortirent et me pointaient de leur M16 américain. Un homme noir au béret vert sortit en prenant son temps. Arrivé devant moi, il me regarda longtemps avec ses yeux les plus durs.

Une petite voix de fausset me parvint à l'oreille et ne correspondait pas au physique de l'imposant général:

- Je vous tiens enfin, maudit chacal.

Vol au dessus d'un nid de cocus

Cinquante-sept ne semblait pas trop souffrir de sa nouvelle condition. Faut dire qu'il a vu pire, il a été voisin de chambre de Claude Meilleur troisième du nom. Paraîtrait que c'était pas la panacée. L'objet contondant qui visitait outrageusement ses reins était somme toute de la petite bière.

- Vous avez mal, chef rétrogradé?

- Seulement quand je souris.

- Ça doit pas faire trop mal alors, hein?

Je le laissai à ses vaines complaintes, et me concentrai sur l'atterrissage à Madrid. Je me serais concentré moins, n'eût été de l'annonce en direct du coquepitre.

«Chers passagers émérites, nous approchons Madrid et devrions nous poser dans l'heure. Tout est sous contrôle, la température est clémente et la crème potiron servie au souper fut un réel succès. Nous espérons que votre expérience à bord fut plaisante, et vous souhaitons un agréable séjour en Espagne. Aussi, notre pilote souffre d'un grave empoisonnement alimentaire au potiron. Si l'un d'entre vous était assez aimable pour nous poser, ce serait apprécié.»

Me voilà donc dans le coquepitre, en train de manoeuvrer délicatement l'engin sur cette piste mal éclairée.

C'est normal qu'elle soit beaucoup plus large que longue?

lundi 3 septembre 2007

Le gras salvateur

Le chef Rudolf trouvé mort dans le Danube, qu’est-ce qu’il faisait là?

Et pourquoi je dois retourner à Madrid?

Sur l’ordre de qui?

Pourquoi m’octroyer un rétrogradé comme partenaire?

Qui est mon vrai chef et où se trouve-t-il?

Et que fait-on d’Helena? Où se trouve-t-elle?

Qui suis-je? Pourquoi-je?

Quessé que j’fais icitte?

-Monsieur Gautier, voici votre plat végétarien, fit l’hôtesse de l’air.

-T’es grano Gautier? Demanda 57.

-Non, on me prend encore pour un autre.

-Bin c’est que t’as une gueule de n’importe qui.

-Bin merci.

-Bin de rien.

-Bin dis donc toi, tu sais quoi de la mission et de quel département tu viens?

-Je suis de la Moselle et tout ce que je sais de la mission, c’est que c’est un code 20.

-Ah bah ouais, un code 20, où avais-je la tête.

-Sûrement dans ton pâté de millet, t’as justement l’air de pas filer.

-Il est effectivement infect.

-Tu veux un sac pour vomir.

-S’il te plaît ouiiiiiiiiiibrrreeeeeeaaaaaauuuuurkkkkaaarrggg.

-Oui, c’est bien, dégobille un bon coup, ça va te passer...

-Ta gueule et trouve-moi le coupable.

-Le cuisinier?

-Non, le gars qui vient de m’enfoncer un objet contondant dans le gras du bide.

Le cinquième passager

Tout était paisible dans le village de Saint-Barnabé en Montérégie. Le soleil était sur son déclin. 19h, peut-être même 19h30, j’oublie toujours ma maudite montre…

C’est l’heure habituelle où Richard Gautier, psychologue de son état, prend sa marche quotidienne. Il sort ses 80 années de labeur et de souffrance pour s’oxygéner et se souvenir de son passé, de ses camarades tombés au combat, de son fils absent qui lui a écrit d’Istanbul. Qu'était-il allé faire à Istanbul ?

À peine a-t-il déposé sa canne sur le béton du trottoir qu’une américaine noire débarque en trombe devant lui. Trois portières s’ouvrent, deux passagers et le conducteur en sortent pour se saisir du vieillard et le forcer à prendre place à bord sur le siège arrière.

Les portières claquent et la voiture reprend sa route.

– Pas de doute, c’est notre homme. Même barbichette conique, mêmes traits que son fils et cet enfoiré de Kolonel, dit l’un des hommes à l’arrière.

– Que me voulez-vous? Qu’est-ce que vous faites? Qui êtes-vous? bredouille le psychologue Gautier.

Les hommes se turent durant les dizaines de kilomètres qui les séparaient de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau.

La voiture s’arrête sur le tarmac. Un homme attend seul à côté d’un jet de Bombardier.

– Monsieur Gautier. Veuillez pardonner la façon cavalière de vous amener ici.

– Qui êtes-vous?

– Je suis heureux que vous posiez cette question. Mon nom est Claude Meilleur.

Énigme parmi tant d'autres

Inouïe! Je n’avais aucun souvenir d’être monté sur un navire. Un personnage familier m’attendait sur le quai.

- Bonjour 18.
- Non 57. On m’a rétrogradé.
- Que faites-vous ici?
- Je suis votre nouveau partenaire.
- Partenaire? J’ai l’habitude de travailler seul! Allez dire aux chefs… C’est une idée du chef Rudolf?
- Non. Chef Rudolf est mort.
- …?
- À Vienne. On a repêché son corps dans le Danube. Nos experts ont estimé que le décès remonte à 10 jours.
- Impossible! J’ai discuté avec lui le soir ou je vous ai rencontré.
- Nous avons tous étés dupés. Le faux Rudolf vous a approché alors que j’étais descendu à la rue « nettoyer » l’explosion du taxi devant l’hôtel et la voiture encastrée dans la marquise. Nous avons retrouvé ceci à l’intérieur. (la boule chinoise)
(Et continua) Il vous a mis sur une fausse piste.
- On fait quoi maintenant?
- Nous retournons à Madrid.

Dans le taxi menant à l’aéroport, je me hasardais à une question qui me brulait l’esprit.
- Quel numéro je porte dans l’organisation?
- Pardon?
- Oui, je dois bien avoir un numéro.
- Vous n’en avez pas. Vous êtes une énigme pour nous.

Après tant d’années, je n’étais toujours pas classifié.
J’avais connu une autre énigme. Son nom était Flabergosse. C’était il y a longtemps. Son corps avait été retrouvé en pièces détachées. Personne ne savait qui était l’auteur du crime. Pourvu que je ne subisse pas le même sort.

Faire mouche à tout coup

René Oblengo était un enfant modèle. Poli, réservé mais surtout studieux. Ça lui venait de sa grand-mère. Femme timide, elle s’avéra néanmoins d’un grand secours lorsque vint le temps de faire campagne dans le village natal de René pour lui payer des études dans la capitale congolaise.

René y passa trois belles années, termina son bac et se mérita une bourse d’études dans une université romaine. En lieu de bagages, quelques livres ainsi qu’un carton d’allumettes vénitiennes légué par son grand-père, ancien marinier à la solde de la Cosa Nostra sicilienne. La mouche tsé-tsé l’accompagnant sur le bateau était un passager clandestin.

- Êtes-vous Paul Vergunsten?

- Pardon? Du tout! Mon nom est René Obl…

- Ceci est très inintéressant. Je cherche un Paul Vergunsten.

- Essayez le type là-bas, qui semble parler à son oreille droite.

- Que voilà une riche idée. Son faciès ne m’est pas inconnu, ça doit être mon homme.

C’est à ce moment que la mouche tsé-tsé, endommagée par un rhume méditerranéen, quitta René et remarqua la nuque invitante de Gautier.
____________

Je me réveillai sur le pont en sursaut.

- Helena! Helena!

- Restez calme Monsieur. Vous devriez être mort. Vous êtes chanceux, une mouche comme ça, ça ne pardonne pas, ça moucharde à tout le monde et…

- Mais… qui êtes-vous Mademoiselle?

- Je suis infirmière. Qui est cette Héléna? En passant, vous n’avez pas raté votre magasinage, nous accosterons au port de Rome dans 20 minutes.

dimanche 2 septembre 2007

Réflexion intense

On évacua la dépouille du docteur Meilleur tandis qu'un autre médecin me plaçait des clampes de rapprochement sur ce qui me restait d'oreille pour arrêter l'hémorragie.

Un des gardes fut appellé à l'extérieur de la pièce et revint. Il m'avertit qu'il avait ordre de m'escorter dans une nouvelle salle où je serais dorénavant en sécurité. Je n'avais rien contre.

En sortant de la chambre, je pouvais voir à travers les fenêtres du corridor. Rome. Ouf, ce maudit Meilleur m'avait presque roulé. 2861. Nouvelle-Zélande. Le rugby est un sport de brute, le kiwi un oiseau pas d'aile ou encore un fruit poilu. Il y a quelque chose de malsain avec cet endroit.

L'explosion de mon oreille m'indiquait que les 12 heures étaient écoulées.

J'avais pas mal de temps à rattraper. Il fallait commencer par retrouver cette Héléna avant qu'elle ne me trouve à nouveau…

Le garde se mit au garde à vous devant la porte et me fit signe d'entrer.

C'est là que je me suis mis à réfléchir.

Primo. Le garde avait parlé d'UNE personne qui ne serait pas contente.

Deusièmo. Chef Rudolf me disait qu'Héléna s'avançait vers moi et puis plus rien, j'avais oublié ce qui c'était passé à ce moment-là.

Le garde, fatigué de me voir me lisser le sourcil gauche en tournant dans le corridor dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, me poussa dans la pièce au moment où je concluais qu'Héléna se trouvait derrière cette porte...

Le tout pour la toux

Cette fois, j'ouvre un oeil prudent. Je le vois, il est là, de dos, jouant avec des flacons. Ce nom, ce doit être une coïncidence. C'est un fou, c'est certain. Il faut que je sorte d'ici.

Je suis attaché par des ganses à ce lit d'hôpital qui n'est pas si futuriste que ça… Je me souviens d'un truc de Flash Gordon. Une fois il s'était retrouvé pris dans un cube de glace. Il avait alors fait des micromouvements qui avaient engendré des vibrations subatomiques qui avaient fait craquer la glace… Mais je ne suis pas Flash, ni ne suis-je pris dans un glaçon géant. J'avais soif.

Il se tourna vers moi et me dit, l'air très content de lui :

- Je vais vous détacher, inspecteur Gauthier.

Il fallait tenter le tout pour le tout : je tentais la toux.

- Teuf, toueuf, tourac, keuf, ke-eu-eufff, fis-je.

Il s'approchait de moi quand mon lobe éclata. La déflagration m'assourdit temporairement et j'étais aspergé de mon sang et de débris de lobe d'oreille. Je ne voyais plus ce Meilleur, c'est comme s'il s'était volatilisé.

La porte s'ouvrit et deux hommes en noir s'introduirent, un se dirigea vers moi et l'autre sur le côté de mon lit.

- Meilleur est mort, il n'a plus de visage, fit le garde à celui qui tentait de me détacher de mon lit.

- Elle ne sera pas contente, grommela mon sauveur.

Black-out

J'ai froid et j'ai faim, pensais-je, en me réveillant. Je risquai un oeil.

Bon. Je suis dans une salle blanche sans fenêtre… il y a plein de bidules électroniques partout… il y a une porte vitrée sur ma gauche… ET JE SUIS ATTACHÉ FLAMBANT NU SUR UN LIT D'HÔPITAL !!!

Black-out

Second réveil. Ça ne s'arrange pas.

Black-out

Bon, va falloir s'y faire, je présume…

-Tiens-tiens, notre ami, l'inspecteur Gauthier, me semble bien réveillé.

Un homme en blouse blanche me regardait d'un oeil unique et bienveillant. L'autre était caché par une sorte de microscope.

- Où suis-je ?, fis-je banalement. J'aurais préféré dire quelque chose de plus rigolo comme « ah ! c'est vous, maman », mais je ne me sentais pas très coquin, nu et attaché sur un lit.

- Vous êtes à Wellington, en Nouvelle-Zélande, dans les laboratoires secrets de ce que vous appeliez à votre époque le KGB…

- Mon époque ? Mais, le KGB a été dissous il y a plus de dix ans !, explosais-je. Et les Russes n'ont jamais eu de base en Nouvelle-Zélande !

- Ah. C'est vrai, je n'ai jamais été calé en histoire. Mais dix, ans, ce n'est rien. C'était peut-être la CIA ? Peu importe. Vous avez été cryopréservé, déménagé, perdu, partiellement décongelé, resynthétisé et heureusement retrouvé ici, sur le seul continent encore intact après la «longue nuit rouge». Nous serions, selon l'ancien calendrier, en 2861.

J'arrêtais de respirer.
Il reprit : mon nom est Meilleur. Docteur Claude Meilleur.

Black-out