vendredi 19 octobre 2007

Tires la plogue

- Gino, t’es mon frère.
- Oui, mais je suis aussi son ami.
- Tu ne penses pas que les liens de sang sont plus forts.
- Là n’est pas la question. Tu t’es mis toi-même dans ce pétrin là.
- Il m’a pompé! Avec ses histoires de jeune guatémaltèque.
- Jehanne, tu lui as lancé ta caméra par la tête. T’as fourgué le système de son, la télé et la vidéo par la fenêtre. T’as eu le culot d’appeler la police et de lui mettre ça sur le dos.
- J’étais folle de rage.
- Ça ne se fait pas des affaires comme ça.
- …. (sniff)
- Jehanne. Viens ici. Poses ta tête. Pleures un bon coup.

Jehanne pleura sans retenue. Elle comprenait bien que la solution n’était pas de ramener Tancrède à Montréal. Comme Gino lui avait expliqué, Tancrède s’était montré bon joueur et n’avait rien dit aux policiers. Il avait joué le jeu, son jeu à elle, un jeu ridicule et dangereux. Il l’avait fait pour tout l’amour qui lui restait. Maintenant, il était parti, il avait laissé tout son amour pour elle derrière lui en échange de sa liberté. Il voyageait maintenant.

- Aides-moi.
- Je ne veux pas mêler Tancrède là-dedans.
- Je comprends, on ne mêlera plus Tancrède à mes problèmes. Mais aide-moi à m’en sortir.
- À mes conditions, sans me questionner?
- Oui.
- La première chose que je veux que tu fasses, c’est que tu tires la plogue.

lundi 15 octobre 2007

La camera

- Yves Jacques androgine, vous ne trouvez pas que ça fait type-cast?
- Pas vraiment. Ça donne un côté actuel au projet. Eve a été faite avec une côte d’Adam? Donc, il se peut très bien qu’Eve ait ressemblée à Adam.
- N’avez-vous pas peur d’être comparé à la « Petite vie » ou une extension des « Invasions Barbares » ?
- Non. Le personnage de Rémi meurt à la fin. Overdose d’héroïne. Marie-Josée Croze a obtenu un Lion d’Or pour lui avoir injecté la drogue. Yves Jacques aurait à travailler un personnage nouveau. Quelque chose de plus féminin-féminin que masculin-qui-se-veut-féminin. Croyez-vous que Johanne-Marie Tremblay dans le rôle de Sœur Constance Lazure était délibéré de Arcand pour faire un parallèle avec « Jésus de Montréal »?
- Je ne comprends pas.
- Oui, même nom de personnage. Elle aurait rejoins le curé qui voulait pas défroquer.
- Peut-être bien… Et Rémi Girard, ça va être une extension « Cro-Magnon » du père Bougon?
- Madame, si je prends Rémi Girard, c’est pour avoir du financement.

Bzzz….bzzz…

- Mademoiselle Rodrigue, votre portable sonne. (Impatient) Aller, répondez.
- Allo…. Oui, c’est moi….. Oui… Vous dites…. QUOI? (Jehanne écouta un long moment puis ferma son portable).
- Mademoiselle, vous êtes toute blanche. Assoyez-vous. Vous voulez de l’eau?
- Taba..
- Pardon?
- Ma camera.
- Oui, votre camera.
- Mes… l’assurance.
- Oui, votre assureur.
- Il ne remboursera pas.
- Il ne rembourse pas quoi?
- Ma caméra.

Adam et Yves

- Rémy Girard ? Ouain pourquoi pas. Il aime bien donner un coup de main aux étudiants. Mais il est très sollicité. Quel serait ton propos ?

- Les ruptures datent de l'âge de pierre, si je peux dire. Que sait-on de la vie de couple d'Adam et Ève ? Bien peu de choses !

- C'est un peu entendu. On a déjà vu Un gars une fille... Pourquoi pas tourner un jeune blogueur de son temps entertainer de jeunes incultes tant qu'on y est ?

- Vous ne m'aurez pas ! Vous savez que je suis le plus grand fan de Patrick Lagacé! Je ne rirai pas de cet apôtre du je-me-moi.

- Bon d'accord. Je donnerai cette idée de scénario au boutonneux qui attend son tour à l'extérieur de mon bureau. Pour faire Adam et Ève, il faut Ève. Qui choisiriez-vous?

- Yves Jacques.

La panne

- Bon, c'est quoi ton histoire, qu'est-ce qui marche pas?

- Pourquoi tu dis ça? Attends deux secondes, je mets mon status Facebook à jour....

- ...

- Ok. Donc?

- Tu fais la gueule là, chose, c'est quoi, ça marche pas votre histoire?

- Meuh oui, j'aime bien ça la prémisse et tout, c'est juste que les gens ont pas l'air très dedans. C'est plus terre-à-terre que l'autre. On dirait qu'on est moins flexibles ici, c'est plus structuré et tout. Difficile de faire du n'importe quoi, genre faire apparaître un monstre centipède qui arrache la tête du héros et se transforme en chèvre qui chie de l'or.

- Tu voudrais chier de l'or, toi?

- Bin... ça payerait mes contraventions.

- Épais.

____

C'est à ce moment que Jehanne Rodrigue, devant la fausse Denyse Robert, ci-devant instruite de lui apprendre le b-a-ba de la scénarisation, proposa une tournure intéressante à sa prémisse ennivrante mais empoulée.

- Et si on repartait tout au temps d'Adam et Ève, à la plénitude du Paradis terrestre?

- Ouf. ouan ok, et qui va jouer le rôle d'Adam?

- Rémy Girard.

jeudi 11 octobre 2007

From scratch

-- Vous ne trouvez pas que vous voyez trop gros?

-- (...)

-- Comment allez-vous tourner vos scènes à Nice?


-- (...)

-- Je suis désolé, mais votre scénario doit être réalisable dans les limites de nos institutions. Vous n'êtes pas Denys Arcand, Jehanne Rodrigue, et heureusement, je ne suis pas Denise Robert!

-- C'est mon projet. Je le mène comme je le veux!

-- Vous étiez bien partie avec cette histoire de rupture pourtant! Un peu mainstream peut-être, mais prometteur... Et en tant que productrice, je me dois de vous rappeler à l'ordre.

-- Productrice! Le terme est fort, madame Chabal. Vous êtes mon prof. That's it! Un jour je ferai un hit avec ce scénario. Quant à l'ordre... merci, j'ai déjà donné!

-- Peut-être... peut-être... En attendant, je suis ici pour vous apprendre la base, all right?

mercredi 10 octobre 2007

Le mail

Alors, je continue ce que je disais :

Après une marche sur la Promenade des Anglais, je suis allé manger un travers de porc à la canadienne au restaurant Le Québec, non loin de mon hôtel. Et c’est là, à l’entrée de ma chambre, que je la vis enfin, ma valise.

Elle avait été perdue à l’aéroport. Nul besoin de spécifier, mais je le fais tout de même, que j’avais très hâte de retrouver mes vêtements. Six jours dans les mêmes caleçons, ça vient que ça chauffe, comme qu’on dit.

La nuit de sommeil suivante ne me porta encore aucun conseil. Au matin, je pris une autre marche, cette fois jusqu’au Quai des États-Unis (vivons dangereusement), j’allai manger des moules, Place Pierre-Gautier, quand Rita m’accosta.

-Bonjour monsieur, vous êtes seul?

Me dit-elle.

-Oui.

Que je lui répondis.

-Suivez-moi, je vous prie.

Qu’elle a poursuivi.

-…

Que j’ai rien dit.

-Voilà, cette place vous plaît-elle?

Qu’elle me demanda.

-Oui.

Que je lui répondis encore.

-Installez-vous, je reviens.

Qu’elle m’a juré.

(J’espère que tu me suis bien dans mon dialogue, c’est parce que je ne suis pas aussi bon auteur comme toi, moi.)

Et pis c’est là, j’ai commandé ces moules que j’ai tant vomies.

Voilà ce que je n’avais pas fini de te raconter. Sur ce, je te laisse, mon temps d’Internet achève et j’ai rendez-vous au Musée Matisse avec Rita.

Ciao!


Une engueulade de plus

J’en parlais à Gino au cours du déjeuner. À nouveau, il pris une grande respiration et me dévisagea.

- C’est ou que tu vas chercher ces idées là? Non mais, penses-y un peu. Tu es un veuf de 37, avec un enfant de 19 ans. Tu es un des meilleurs traducteurs de l’Ile de Montréal lorsqu’il s’agit des textes en anglais, italien ou français. T’es encore assez beau bonhomme, tu n’a pas de dette, pas de char et plus d’appartement à t’occuper. Ton fils, Gabriel, est premier de classe en technique policière, il a déjà été accepté à Nicolet. Il est économe comme pas possible, travaille comme portier les vendredis et samedis et a mis de côté durant neuf ans la rente d’orphelin qu’il a reçu…. Penses-y,… tu as des réactions de femmes névrosées qui se trouvent trop grosses et pas belles. Rentrer chez les Carmes Déchaux. Quant à y être, pourquoi pas rejoindre les Filles d’Isabelle?
- C’était juste une idée… Comme çà.
- Je pense que t’a encore ma sœur dans le corps. T’as besoin de prendre de la distance. Va-t’en. Prend un break. Oublis ma sœur, oublis Line… Et Line, une autre idée niaiseuse. Elle est lesbienne! Jamais tu pourras la sauter.
S’en suivit des pleures, une réconciliation, une engueulade de plus. Finalement, Gino avait raison. J’avais besoin de changer d’air. Je pris donc le premier vol pour Nice, mon ordinateur portable et une première édition d’un roman de John Irving : « Liberté pour les ours».

mardi 9 octobre 2007

Faire un choix

Oui, de l'ordre dans ma vie.

Entrer dans les ordres était une idée formidable à mes yeux.

Mais quel ordre? Il y en a tellement :

L’ordre de la chevalerie

L’ordre des agronomes

L’ordre des sages-femmes

L’ordre des comptables en management accrédité

L’ordre des urbanistes

J’optai pour l’ordre des Carmes déchaux.

dimanche 7 octobre 2007

Go les bleus, bienvenue les "blues"

Je me réveillais en sursaut d’un rêve. À en juger par les sueurs froides qui perlaient sur mon front en mon dos, ça devait être un mauvais rêve. Un mauvais rêve.

En quittant l’appartement de Line, avec en main ma jumelle et un croissant aux amandes, je m’étais rendu chez Gino où m’attendait devant la porte une voiture de police. L’enquêteur Poitras se présenta et m’offrit un « lift » au commissariat local où l’on pris ma photo et mes empreintes. Je fut longuement questionné, mais pas battu. Une fois que j’eu défilé le petit scénario de Jehanne, on me laissa partir avec la promesse de ne plus recoomencer.

Gino m’ouvrit la porte d’un air amusé.

- Tu t’ais fait planquer ?
- Ouais. Ta sœur, c’est une vraie…
- Attention, c’est encore ma sœur. Et je ne veux pas de problème. Par contre, elle m’a appelé de chez sa « chum » Line…
- Ouais, la garce !

Gino mâcha bien ses mots avant de poursuivre.

- Tu t’es foutu dans un beau pétrin.
- C’est ce que l’on dit.
- Que comptes-tu faire?
- Aucune idée.

Gino me tendit une bière.

- Les bleus ont gagnés. GO les bleus, bienvenue les « blues ».

Sur ce, j’avais fini ma bière et je m’étais couché dans un lit de fortune.

Ce matin, je me levais un homme amoché par les relations en série. En sortant de la douche, je décidais de mettre de l’ordre dans ma vie.

samedi 6 octobre 2007

La Game

Je sortis prestement chercher la télé qui heureusement, traînait encore sur le trottoir. Je me dépêchai de la rebrancher, il y avait un match de rugby que je ne voulais pas manquer (le quart de finale XV de France contre les All-Blacks), qui, si mes calculs étaient exacts, devait commencer d'ici deux minutes.
Je manipulai nerveusement la télécommande afin de trouver lequel des 78 canaux rediffusait le match.
- Non mais tu m'écoutes? c'est toujours comme ça, quand c'est pas le rugby, c'est le cricket, quand c'est pas le cricket c'est le boulin-fucking-grin ou les compétitions de saut à l'échalote! Tu peux pas écouter le hockey comme tout le monde?
Jehane (ou Line, voire Nathalie, anyway c'est pareil) poursuivait ses récriminations tandis que je cherchais toujours le poste. Dérangé par le bruit, je sortis distraitement mon Colt Magnum John Wayne Gacy Special Edition de mon jean, et, toujours concentré sur les pitons de la télécommande, je lui explosai sa tronche de merde.
Le bruit de la détonation fit apparaître l'autre Line/Jehane/Nathalie dans l'embrasure de la porte, un minou dans les bras, qui hurla en voyant le cadavre de notre ex. Ne pouvant plus supporter ses cris, je dégainai mon flingue et lui explosai sa tronche de merde. J'en profitai également (il me restait une balle) pour me débarraser de Tatie le chat, qui constituait un témoin gênant.
Je ferai le ménage après la game.

vendredi 5 octobre 2007

Ascendant scorpion

- Écoute, c’est moi qui vais parler. Après ton départ, j’ai appelé la police.
- Quoi?
- T’as bien compris. J’ai aussi envoyé la chaîne stéréo, la télé pis la vidéo par la fenêtre. Je leur ai dit que c’était toi. Que tu étais fâché, mais que tu ne m’as pas touché.
- QUOI?
- Je ne vais pas porter plainte, mais au moins, je vais pouvoir me faire rembourser la caméra par les assurances.
- HEIN?
- Responsabilité civile 1 000 000$ mon coco, ça ne te coutera rien… Mais tes assurances vont en prendre un coup.
- Ouais mais Line…
- Mêles moi pas là dedans. Jehanne c’est ma chum pis je vais la supporter. De la façon que t’es entré icitte, moi aussi je peux appeler la police.
- …
- Dis quelque chose mon coco.
- …!
- Pis tes jumelles sont dans le tiroir de la cuisine. En fait, on ne dit pas des jumelles, mais une jumelle.
- (Line feuilletant le dictionnaire) Nom féminin. Instrument d’optique composé de deux lunettes.
- (Relevant son nez du dictionnaire) Voilà d’où vient l’erreur. « Deux lunettes »
- Je fais quoi maintenant?
- « Voyons coco, va chez Gino. C’est là que j’ai envoyé la police. » dit Jehanne avec sarcasme.
- Je leur dit quoi?
- On s’est chicané. Frustré, tu as lancé ma caméra par la fenêtre. Comme le premier épisode jouait sur la télé, t’as aussi envoyé la vidéo et la télé.

Les négos

Line habitait à deux pas du pub où j’allais toujours noyer mon ennui, muni d’une stout tablette. Je fis un tour sur moi puis dans ce pub avant le lit de Line, qui m’en sortit à coup de pied au cul. Faut dire qu’elle avait de la compagnie, Jehanne était en rage dans un coin et Tatie la chatte dans ses bras.

-Line, la violence est une option bien négative pour m’informer de ton aversion à ma présence en ta demeure.

-Désolée Tancrède chéri, c’est pas moi c’est Tatie. Après l’amour, elle a de ses réflexes…

Sur ce, Jehanne se leva et me gifla.

-Désolée Tancrède chéri, c’est pas moi c’est ma colère.

-Jehanne, la violence est une option bien néga…

-Ta gueule !

-Qu’est-ce tu me veux, merde !

-T’as pas l’droit de sacrer ton camp de même, je te rappelle que t’as un chat, deux perruches et un fils chez moi!

-Écoute, je suis dans ma crise de quarantaine, ce qui me donne droit à l’immunité.

-L’immunité mon cul, t’as juste 37 ans mon Hostie.

-T’as juste à mettre Luk à la porte, il est majeur après tout.

-Là n’est pas la question.

-Bon, si tu veux bien sortir maintenant, je dois parler à Line à propos de nos jumelles.

Hors de Plantaville, point de salut

Cette visite à Plantaville marqua au fer rouge la fin de notre union.

Je l'ai su tout de suite. Hormis l'excellent rapport qualité-prix, je sus que Jehanne avait trouvé chaussure à son pied sous la forme d'un jeune apiculteur prénommé Gaël, dont l'étymologie nous ramène, par quelques coins rondement tournés, à «chien sale».

L'animal en question faisait saliver Jehanne-Nathalie à un point tel que les jeunes pousses de rutabaga qui trônaient à nos pieds n'auront nullement besoin de la pluie et du bon temps pour les mois à venir.

Qu'avait-il de plus que moi, ce jeune guatémaltèque? Enlevez lui son corps sculpté dans l'acier, ce regard intense et frondeur, ce sourcil parfaitement ciselé, cette assurance dont Denise Bombardier aurait été jalouse, et que lui reste-t-il?

On est venu déterrer des poiriers, on y a enterré en lieu et place la mère des enfants que je n'aurai pas.

C'est sur cette pensée que je me déterrai des seins de Jehanne.

- L'air est vicié icitte, moi je décampe. Oublie pas d'arroser les poiriers.

- Tancrède, calvaire. T'es obligé de dire des niaiseries au lieu de dire ce que tu penses vraiment?

- C'est que j'ai plus d'estime pour eux que pour toi, chérie. Je retourne chez Line. Si tu veux me parler, t'auras juste à téléphoner chez elle. Tu connais le numéro de ton ex-blonde anyway. Ciao.

J'avoue que j'ai été assez surpris, en sortant de notre... son appartement, de voir la caméra traverser la fenêtre à vitesse grand V, pour aboutir devant moi, vomissant une cassette maintenant désuète. Dommage. Ça aurait fait un bon show.

jeudi 4 octobre 2007

Prise cinq, 3ieme épisode

Tancrède revint que plus tard dans la soirée. Lentement, il ouvrit la porte, laissa son veston sur le divan et alla dans la chambre à coucher.

- « Je suis ici » dit Jehanne de la cuisine.
- Ça va?
- Oui. Tétais où?
- J’étais chez Gino. Il va me prendre pour quelque temps.
- ….
- (Impatient) Dis-moi quelque chose!
- C’est quoi que t’aime pas du premier épisode?
- Rien.
- Rien?
- Je ne l’ai même pas écouté. Je ne veux juste pas que tu filmes notre vie quotidienne. C’est tout! Que ça te fasse entrer ou non à l’I.N.I.S.
- T’avais dit oui.
- J’avais dit « peut être ».
- …
- Peux importe ce que j’ai dit, je ne veux plus. (regardant derrière lui, la camera active) Tu nous filmes encore?
- Hostie. Tu n’es pas sensé parler de la camera quand tu la voies.
- Jehanne…
- « Nathalie » épais. Quand je tourne, appelle-moi Nathalie.
- Oui pis moi?..
- Toi, t’a pas été assez brillant pour te trouver un pseudonyme, endure!
- Enlèves ça de là. Arrêtes ça. Je ne veux pas. Je ne veux juste pas…. (Tancrède s’assit sur une chaise et porta ses paumes à ses yeux pour cacher ses larmes)

Lentement, Jehanne alla vers la caméra. Pressa le bouton « arrêt ». Elle se retourna, alla vers Tancrède, lui pris le visage et l’enfoui dans ses seins.

Ne pleures pas gros niaiseux. Hey que t’es moumoune.

Poire de discorde

Les pépinières, c'est bien connu, regorgent de tueurs en séries, de meurtriers machiavéliques, de ravisseurs d'enfants, bref : de pervers en tous genres.
Heureusement, ce n'est pas le cas chez Plantaville, où l'on vous offre toute l'année un service personnalisé incomparable, le meilleur rapport-qualité prix, et des arbres habillant toutes les tailles. De plus, mentionnez le mot de passe diffusé chaque jour entre 18h30 et 19h au bulletin télévisé diffusé entre 18h30 et 19h à la télévision, et obtenez un rabais de 15% sur tous nos poiriers.

— Un rabais de 15% sur les poiriers. T'as entendu ça, Jehanne ? Déjà que deux poiriers à 49$ chacun, c'était une aubaine !

— Ben oui, pis c'est quoi le mot de passe ?

— Euh... aucune idée.

— Exactement !, s'écria l'employée. « Aucune idée » était bien notre mot de passe au bulletin télévisé d'hier soir. Les deux poiriers, c'est pour faire livrer ou pour manger ici ?

— Pour livrer, soupira Jehanne.

Ma compagne rendit les armes telle Vercingétorix au mont des Oliviers, ou quelque chose comme ça. Nous roulâmes à 160 km/h pour arriver à la maison avant le livreur du Plantaville. Durant le trajet, nous ne dîmes rien. Nous nous tûmes. Les oiseaux croassèrent dans le lointain, mais comme les fenêtres de la voiture étaient fermées hermétiquement, nous ne les entendîmes pas.

Le lendemain, dès que j’aperçus les deux poiriers dans notre cour, je sus que les fruits juteux promis par ces arbres auraient surtout le goût amer du ressentiment.

mardi 2 octobre 2007

J'haïs les prunes

- … pour avoir des fruits, il faut acheter deux arbres. Ils ne sont pas obligés d'être de la même variété. En autant que ce soit un poirier.

La fille du Plantaville nous laissa à nos délibérations pour s'occuper d'un couple de personnes âgées qui voulaient savoir si un rhododendron avait besoin de beaucoup de lumière.

- Qu'est-ce que t'en penses, chérie. Moi je pense que j'en prendrais deux.

-Je ne sais pas. Je ne suis pas certaine qu'on a besoin de deux arbres. Et c'est quand même cher, tu ne trouves pas ?

- Pour des arbres, voyons, penses-y, deux beaux poiriers à 49 $ chacun. Dans dix ans ça va nous faire une forêt pour moins de cent piastres ! Et la fille a dit qu'on va avoir des belles poires l'été prochain.

Elle ne m'écoutait plus.

- J'aimerais mieux prendre un prunier. On était venu pour un prunier.

Elle le fait exprès. Elle sait que j'haïs les prunes.

- Mais non, cocotte, c'est mieux les poires, les prunes, c'est pour le couple là-bas avec leur rhododendron, c'est pour les vieux. C'est pour faire caca. Ils mangent ça pis des All-Brands.

- Non. Moi j'aime ça les prunes. Ça se conserve plus longtemps que les poires…

- Ciboire, Nathalie, depuis quand t'aimes les prunes ? Les prunes, c'est un fruit niaiseux…

- C'est toi qui es niaiseux, ciboire.

Action

Elle pleurait de nouveau lorsque l'image s'arrêta et que la cassette se rembobina par automatisme.

Un cliquetis dans la serrure et la porte s'ouvrit. Les mêmes gestes qu'elle avait vus dix, cent, mille fois se répétèrent sous ses yeux.

Il entra. Tancrède entra dans l'appartement. Il portait un sac de lin avec un litre de lait et un pain frais dans le sac. Il déposa le sac sur la table du salon.

- J'ai toujours été nul dans les départs. J'aurais dû t'apporter des fleurs. Je t'ai apporté des bonbons. Tu pourras en donner à ta nouvelle flamme.

Il les lança à côté d'elle sur le divan. Tant la hargne que la résignation irradiaient son visage.

- Mon Dieu Tancrède! Il n'y a pas d'autres. C'est juste que...

Et les larmes revinrent.

Tancrède alla pisser. Il sortit de la salle de bain sans rebaisser le siège et sans actionner la chasse d'eau.

- Tu es pathétique, dit-il avant de quitter les lieux.

Ils en étaient venus là à cause de deux poiriers.

Eject

L'épisode commençait avec un petit plan séquence, on suivant de dos un individu sortant de la salle de bain, et qui venait probablement de se réveiller vu sa tenue et démarche légèrement chancelante. On le suivait jusque dans la cuisine, où il s'assit, les épaules tombantes, devant un bol de café. Au moment où l'on se demandait qui pouvait bien lui avoir préparé, une jeune fille, pas spécialement jolie mais plutôt sexy dans son long t-shirt, entrait dans le cadre et s'asseyait devant lui. Elle ne souriait pas, ce qui était dommage car son sourire était magnifique.
- Salut.
- Mh.
Deux minutes passèrent ainsi dans le silence, elle, attendant qu'il lève les yeux, lui, fixant avec obstination le café qu'il ne buvait pas. Elle finit par s'impatienter.
- Tancrède?
Il leva la tête, mais s'arrêta à la hauteur de ses seins; elle était un peu complexée par leur taille, et ça la gênait qu'il les observe ainsi; il le savait mais n'avait pas le courage de croiser son regard.
- Tancrède, je pense que je ne t'aime plus. Je voudrais que tu partes.
- Je me disais bien...
Maintenant c'est elle qui fixait la table. La sentant mal-à-l'aise, il osait maintenant lever les yeux, et se permettait même une petite expression de hargne dégoûtée.
- C'est quelqu'un d'autre?
- Je voudrais que tu partes. Genre, là.
Il était parti, le temps de se rhabiller. Elle pleurait.

lundi 1 octobre 2007

Rewind Play

J'en ai décidemment assez de Tancrède et de ses éternels changements d'humeur. Maintenant le café est trop froid et il a décidé de partir en claquant la porte. Dieu merci, celle-ci est constituée de confettis tenus de peine et de misère sur quelques longs fils laqués. Le claquement ne dérangea donc personne.

- Je vais revenir plus tard, je vais aller marcher pour me changer les idées.

- Ramène du pain et du lait.

- Crisse toi le dans le cul, ton pain et ton l...

La porte d'entrée, une vraie celle-là, rota fortement la sortie de Tancrède, coupant net son envolée oratoire. J'espère qu'il va ramener le pain et le lait.

Bon je suis calmée maintenant. Allez hop, un tour au salon, je rembobine la cassette et on va voir c'est quoi qui cloche dans ce fameux premier épisode.

Le début de la fin

-Je te vois encore, assis devant moi, les yeux dans ton bol de café, les épaules tombantes. Si au moins tu me l’avais dit plus tôt, j’aurais peut-être pu faire quelque chose.

-Non, tu ne pouvais rien faire, c’est pour ça que je t’ai épargné cet épisode.

-Mais tu parles d’un épisode, le premier, c’est pas rien quand même, admets-le!

-Oui, je l’admets. Et qu’est-ce que tu en feras maintenant?

-Je ne sais pas, je dois y penser.

-…

-Tu fais chier à la fin!

______________________________

En d’autres termes, c’est un début.


vendredi 28 septembre 2007

N'oublies pas que tu vas mourir


Bastien et moi marchons dans les venelles de Tolède. La ville médiévale valait le détour.

Le match de hockey avait eu lieu la veille. ZMN465 avait donné la victoire à son équipe à deux secondes de la fin. Curieux, les joueurs portaient des numéros de plaque du Québec.

Nous visitions le cloître Saint-Sébastien. Cet endroit aurait dû accueillir les dépouilles des rois catholiques, Ferdinand et Isabelle. Ils étaient pourtant enterrés à Séville.

Nous discutions de ces choses lorsque Bastien s’arrêta dans un coin du cloître. Il fixait le ciel. Je m’approchai de lui.

– Gautier, me dit-il en me prenant par l’épaule. La vie est une si belle chose. Il faut apprécier chaque instant qui passe. La mission est finie. Nous avons récupéré les boules. Le pape a été retracé dans une île du Pacifique.

– Chef! Je crois qu’il manque encore des éléments.

– Peut-être. Mais votre mission est terminée. Je vous donne congé.

Bastien appuya fermement sur ma nuque, ma tempe et mon épaule. Je n’eus le temps que de lancer un cri de surprise. Un rideau de matière jaunâtre ressemblant à de la costarde s’écoula de mon œil de chien mort. Black-out!

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La pluie tombe régulièrement sur le pare-brise de la voiture. Je n’aime pas conduire lorsqu’il pleut. Je n’ai pas le choix, ces visites sont obligatoires dans mon travail. De l’autre côté de la rue, sur la plaque, c’est écrit : Richard Gautier, psychologue. J’aurais tant aimé m’appeler Gautier. Je m’appelle Fredéric-Bastien Tremblay.

-- FIN --

jeudi 27 septembre 2007

Pour faire « reset », appuyez ici.

Une fois mon petit malaise expédié à 35 000 pieds d’altitude, je retournais à mon siège. La petite blonde du siège opposé semblait moins « cute ».

Porto fut une réussite. Onze CM supplémentaire à mon tableau. Ils n’offraient pas beaucoup de résistance. Ils devaient être plus « baiseurs » que soldats. Et Quarantième n’était vraiment pas con. Il avait prévu le coup.

- Pour faire « reset », rien de plus facile.
- « Ah bon » lui dis-je.
- Ici derrière la nuque, là sur la tempe et ici sur l’épaule.
- Et ça fonctionne vraiment?
- Oui. Indépendamment, rien. Mais les trois contacts en même temps, le clone tombe dans un sommeil profond. Et grâce à cet émetteur, je le place en état trans-dimensionnel, puis le récupère à mon retour dans le futur.

Du pur génie. En prime, la position que je devais prendre ressemblait à la pince-vulcain de Mr. Spock. Les oreilles en moins. Papa fut soulagé qu’il n’y ait pas de bain de sang. Moi aussi d’ailleurs.

- « Après tout, je ne suis pas Red Ketchup » lui glissais-je à l’oreille.

Bastien s’en foutait un peu. Son rôle était d’assurer la logistique. Après Porto, nous allâmes à Lisbonne où sept autres CM furent retournés à leur époque.

Quarantième annonça notre prochaine destination : Madrid.

- Mais avant, pourquoi ne pas faire un petit détour vers Tolède afin d’assister à un match d’hockey de l’équipe locale.
- « Ils affrontent Bordeaux. » annonça Bastien.

Clarquegaibeule

Je le regardais avec mon meilleur regard qui tue.

- Choisissez quelle capsule de NEO-citrant vous voulez prendre, dit-il. Une capsule verte, qui goûte la menthe poivrée; ou la rouge, au bon goût de ketchup ? Je vous dis pas ce que quoi est quoi et ce que font les siphons.

J'optais pour la rouge.

Je me réveillais dans mon siège d'avion, en route pour Porto, mon père assis à côté de moi. Il avait mangé le poulet, avec les plumes. J'avais l'impression que ça ne tournait pas rond. J'avais mal à ma titine et c'était un mauvais signe, d'habitude.

Je spottais une belle nana blonde, assise en diagonale de mon siège. Elle était pas mal canon! Tout ceci me semblait irréel. J'avais un sentiment de déjà-vu, de mal-être et de porte tournante.

Je me dirigeais vers la belle et me composais mentalement un sourire à la clarquegaibeule : vous prenez souvent cet avion ?

Elle m'ignorait, comme si je n'étais pas là. Mais pourquoi. Suis-je un animal. Peut-on feindre de m'ignorer ? Le peut-on ?

Et si je poussais un peu, juste un peu. Elle répondrait, oui ou non. J'en oubliais mon malaise pour m'en faire un autre, quatre trente sous dans une piastre, et me dirigeais vers la toilette.

- Merde, c'est rouge, il y a quelqu'un, dis-je, entre mes dents.

Je ne savais même pas que j'étais malade

Il faisait tellement beau. Le soleil était d'un bleu à s'arracher l'âme et la mer, d'un rouge intense, couleur passion, comme sur l'album de King Créole.

J'en étais à ces réflexions lorsqu’une jeune femme, ingénue à la fois blonde, brune et rousse, m'interpella d'une façon assez originale. Lorsqu'elle eu la délicatesse de retirer sa langue de ma bouche, je pus enfin lui dire «... oui bien sûr, mais vous savez je me garde vierge pour le mariage. Je suis très fort de volonté alors n'essayez pas de me séduire davantage, jeune pécheresse exacerbée.»

Trois orgasmes plus tard, asséché de désir et rongé par une folle envie de me faire un club sandwich viande blanche sans tomate mais avec une tranche de fromage orange, je fermais les yeux en tentant de me rappeler à quel moment j'avais acheté un billet d'avion pour me rendre ici.

- Levez-vous, CM-23783690979.

- Pour couper dans la poésie, vous êtes fort vous.

Claude Meilleur, encore, se tenait debout devant moi. Exit la plage et les sensations, on était maintenant absolument nulle part, un espace blanc. Il était en costard noir, lunettes noires, bon prix, bonne coupe, bonne réputation. J'aurais espérer avoir droit au même traitement. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que j'étais habillé en danseuse de luxe, avec plumes et tutti quanti.

- Vous pouvez m’expliquer ce que je fais ici? Et cette fille?

- On vous a préparé pour votre prochaine mission. Levez-vous, CM-23783690979, la Natrix ne tolère pas l'oisiveté.

mercredi 26 septembre 2007

Tu es dans la Natrix

C'est à ce moment que mon père retira son masque. Sous le masque, c'était Claude Meilleur.

Il s'approcha de moi et j'étais pétrifié. Il agrippa la titine que j'ai à la base de la nuque et il retira de mon visage un masque, qu'il me tendit. Il m'ordonna d'aller me regarder dans le miroir de la toilette de l'aéroport.

En me rendant au wc, je me tatais le visage, tentant de déchiffre l'horreur prochaine. Devant le miroir, je voyais ma tête de Claude Meilleur.

Je défonçais la porte d'une cabine occupée et empoignais sauvagement un type qui semblait être un représentant en commerce. Je le mettais ko d'un coup de tête au nez. Il gisait, saignant du nez, les pantalons aux chevilles, couché sur le sol sale de cette toilette anonyme d'aéroport.

Je lui retirais son masque. Claude Meilleur.

Je sortais de la toilette et me dirigeais en courant vers celui qui s'était fait passer pour mon père.

- What the fuck, criais-je, c'est quoi, ça, je ne comprends plus rien !

- Tu es dans la Natrix, CM-23783690979, fit-il, calmement.

- J'aurais préféré Star Trek, dis-je, en m'évanouissant.

mardi 25 septembre 2007

À la mémoire de Papy

J’aurais voulu dire à Quarantième qu’il semblait moins con ou prétentieux que celui des VC. Mais le temps pressait et je ne le pensais pas vraiment.
Mon père et Bastien nous attendaient à l’entrée de l’Excelsior Palace, un martini à la main. En regardant le gobelet à sous de mon père, je pus remarquer qu’il avait eu du succès au jeu.

C’était une atmosphère irréelle. Bastien nous fit un topo. Papa avait, en une matinée, infiltré la table des Grands Parieurs. Un CM (le 27 selon Quarantième) y jouait aussi. En fin d’avant-midi, papa lui avait offert une consultation. CM-27 était le pourvoyeur de fond de la rébellion. La technologie qui permettait aux CM(s) de voyager entre les époques avait permis à CM-27 de mettre la main sur les résultats d’une roulette. Un second CM (le 15) faisait le va et vient entre le futur simple et le passé antérieur à cause d’une inconsistance dans l’espace-temps. C’était trop compliqué pour moi, mais maitrisable pour un ingénieur mécanique. Bastien termina en m’indiquant comment déjouer la sécurité locale.

En fin d’après-midi, je m’étais fait mon deuxième et troisième Claude Meilleur. Ma nouvelle mission ne serait accomplie que lorsque tous les Claude Meilleur(s) seront éliminés. Pas de quartier, pas de prisonnier. J’entendais Papy de l’au-delà.
« Vous sérez tous fouzillé! » qu’il disait.

Quarantième m’indiqua que nos prochaines cibles se trouvaient à Porto au Portugal. Une fois à l’aéroport, je déposais un baiser sur le front de mon père.
-Bon travail papa.

dimanche 23 septembre 2007

Le Meilleur pour la fin

J’étais moi-même nu comme un ver. Les deux types qui m’escortaient avaient une tête de Claude Meilleur (s). Ils m’abandonnèrent dans une pièce blanche sur une chaise. Assis sur une seconde chaise se trouvait une réplique de …
- Meilleur!
- Oui, ou si vous voulez, Claude Meilleur XL.
- Vous ne me paraissez pas de taille supérieure aux autres.
- Quarantième du nom.
- Et vous me voulez quoi?
- J’ai un travail pour vous. Mais avant, on va vous donner des vêtements. Veuillez pardonner les manières douteuses de mes associés. Ils ont voulu s’assurer que vous ne portiez pas de micro notre entretien.

Claude Meilleur fit un geste et mes escortes entrèrent. CM-1 poussait un chariot sur lequel étaient déposé des vêtements. CM-2 portait une housse transparente qui contenait un smoking. CM-1 me tendit mes vêtements et m’aida à les enfiler. Quarantième en profitait pour me fournir des indications. Au 23e siècle, Meilleur XL avait inventé une machine à voyager dans le temps. Trente Claude Meilleur(s) avaient été clonés et envoyés dans le passé afin d’assister à certains événements de notre histoire. Les clones, stérile et d’une durée de vie de 35 ans n’acceptaient plus leur sort et avaient décidé de se révolter à notre époque, où le Chef de l’église allait livrer un discours en faveur du clonage pour fin médicale. Meilleur voulait que je l’aide à mater la rébellion.

- Et nous commençons où?
- Nous allons au Casino. Bastien et votre père nous y attendent.

samedi 22 septembre 2007

Comme un oiseau brisé

je me réveille dans une sorte de petit cabinet, il n'y fait pas complètement noir, j'entends comme une voix rocailleuse qui me dit, est-ce que c'est vous, gauthier?, je n'étais pas certain alors je me suis tut un moment, juste assez longtemps pour que la voix revint, est-ce que c'est vous, gauthier?, si c'est vous n'ayez pas de craintes, c'est moi, chef bastien, je suis ici avec vous, dans ce réduit, il fait froid, je crois que je suis nu, c'est difficile à dire, je suis attaché dans cette position depuis si longtemps. je repensais à cette histoire qu'un cubain viré du côté de la cia m'avait raconté, une sale tactique que les cubains ont perfectionnés, tu plonges un mec dans le noir et tu le réveilles aléatoirement, de façon à ce qu'il perde la notion du temps, c'est très efficace, cette technique, pour tirer des aveux, même de choses auquels ont a rien a avoir. j'ai bien l'impression que c'est ce quIls vous font, fis-je au chef bastien, après lui avoir fait part de cette anecdote, il était tout désorienté, il ne savait pas où il se trouvait ni quand ni depuis combien de temps, il ne savait même pas s'il était nu, c'est dingue, pauvre chef bastien, et maintenant, pauvre moi, qu'est-ce que c'est con, risquer sa vie pour les secrets des autres, qu'est-ce que je suis con de faire ce métier, j'aurais pu être facteur ou autre chose, quel merde, quel merdier, est-ce qu'on allait s'en sortir seul, est-ce qu'on allait nous aider, je commençais à paniquer, les idées se bousculent, je suis haletant, je me fatigue, je suis vraiment énervé mais je ne peux pas du tout bouger. je n'ai plus envie d'être inspecteur, quand il viendront me voir, je vais avouer n'importe quoi, je vais leur dire que je n'ai rien à avoir avec tout ça, ils garderont bastien si ils veulent, je n'ai plus le moral, je sens mon coeur battre dnas ma tête.

Une porte s'ouvrit.

On tripota l'inspecteur Gauthier qui regardait dans tout les sens, comme un oiseau brisé.

- Il est prêt.

jeudi 20 septembre 2007

Pendant ce temps, près du lac Léman...

Je descendis de la voiture devant la grille pour m'annoncer, mais ce fut inutile: elle s'ouvrit. Je remontai et me dépèchai de suivre un chemin qui devait mener au manoir. Enfin, je savais pas. Je me fiais à mon instinct.

Je me garai à une douzaine de pieds de la porte.

Je montai vers la porte et frappai sèchement; une voix assourdie me répondit:
- Qui est-ce?

Jugeant qu'il ne valait pas le coup de mentir, j'annonçai mon nom au portier:
- Richard Gauthier.

Le temps de faire jouer les multiples serrures, j'entendis les rouages cliqueter; puis rien.

- Y a quelqu'un?, demandai-je, penché vers l'avant, la main sur la poignée mais quand même hésitant.
N'ayant que silence comme unique réponse, je me dis "Mon Richard, il est temps que tu fonces!"
Le hall était désert et tout en clair obscur, et moi, un peu circonspect, je longeais les murs.
Du portier maintenant il n'y avait plus de trace, et j'avais l'impression qu'on me prenait en chasse;
je compris aussitôt que j'étais attendu, la frayeur m'envahit et j'eus peur pour ... ma santé.
Soudain je sentis une brise m'effleurer la joue, passant par une porte entrebaîllée,

J'ouvre la porte et j'entends comme un soupir au sous-sol,
Puis un cri étranglé, quelques pas qui s'envolent.

Je descends et je vois
Bastien sur le sol,
Couché et nu,
Un coup porte
Et puis
Rien.

Secret défense

--- Communication cryptée en provenance de nos bureaux de Genève ---

Top Secret

Rapport partiel du caporal Richard Gautier du Service canadien du renseignement de sécurité. Situation en développement.

Mon nom est Richard Gautier. Je suis officiellement employé de l’escouade des stupéfiants de la Sûreté du Québec. Dans les faits, je m’assure que les menaces à la sécurité nationale sont neutralisées avant qu’il ne soit trop tard.

Depuis un mois, je suis sur la trace de deux artéfacts qui intéressent les malfrats de tous acabits. Ces deux boules de métal possèdent d’étranges propriétés qui auraient traversé les siècles. Notre agente Caroline les avait en sa possession depuis plus de 20 ans. Nous en ignorions alors l’importance. Elle me les a remis.

J’ai donné des fausses boules à Helena, ex-agente du KGB qui agit désormais en freelance. Depuis, elle prétend que des terroristes Tchétchènes s’en sont emparés. Je répète : les vraies boules sont en sécurité. Je crois qu’elle est compromise. Nos services doivent la considérer comme une ennemie.

La mission a déraillé alors que mon supérieur, Chef Bastien, s’est fait enlevé. Je suis présentement à Genève pour retrouver Bastien et remettre l’enquête sur les rails.

Je suis aidé dans cette enquête par le général Classifié des services secrets français. Il est clean.

Il faut accentuer les recherches sur Claude Meilleur.

Je me rends dans un manoir en bordure du lac Léman où j’ai de bonnes raisons de croire que le chef Bastien est détenu.

--- Fin de la transmission cryptée ---

Intermerde

Pendant ce temps, le vrai pape se la coulait douce.

- Un autre Campari pour moi et soeur Angèle !

Depuis que ce Claude Meilleur le «séquestrait» sur cette petite île du Pacifique, le pape avait réalisé combien il aimait ne rien faire. Quel con il avait été de vouloir jouer au grand homme, lui qui aimait ne rien faire jusqu'à midi! Lui qui aimait bien manger et surtout, faire ses propres repas. Et cette soeur Angèle qui connaissait tant de divines recettes. Cette soeur Angèle qui cassait son italien de naissance et lui injectait une dose de français. Angèle - heu… Soeur Angèle - avait presque un accent acadien.

Ici, il ne manque de rien.

Il n'y a pas de maudits zouaves constamment dans mes pattes.

Et les enfoirés de l'Opus Dei… Des demandes incessantes. Notre Père, est-ce que l'on peut faire ceci? Et ni ni ni et na na na.

Être pape, c'est être un administrateur et un animateur de foule. Exit le sacré. Exit la communion avec les ouailles.

Le pape se sentait bien, assis sur sa chaise longue, à se faire bronzer la bedaine.

Soeur Angèle sortit de la piscine. Elle était encore pas mal. Elle se tenait en forme. Depuis qu'elle est avec moi, il me semble qu'elle est plus coquette, se dit-il.

Pourvu que ça ne se termine jamais…

lundi 17 septembre 2007

Toutes les routes mènent à Genève

L’agitation était à son comble dans le deuxième sous-sol du Prado où les services spéciaux avaient pu nous ramener avant l’arrivée des secours d’urgence sur les lieux de l’explosion. J’avais de la suie plein la chasuble et la peau de Jean XXIII complètement lacérée. Des maquilleurs s’affairaient à me décoller les surplus de latex au visage. J’aurai un teint de pêche et le menton glabre. Exit la barbichette conique.

Dans la pièce d’à-côté, le Général Classifié discutait avec le pape Claude Meilleur. Je le fis venir dans ma salle pour lui annoncer que son vis-à-vis n’était autre qu’un quatrième Claude Meilleur.

«Merde! Ils sont partout!» fut sa seule réaction. On décida de lui rendre sa liberté, mais pas tout à fait, en le retournant sur les lieux de l’attentat. Le vrai pape étant disparu, il fallait calmer l’opinion publique en lui offrant un pape.

Meilleur ignorait tout de l’attentat et s’était montré très récalcitrant sur ses réponses à donner. Engeance maudite. Qu’il brûle en enfer!

Ma pagette vibra de nouveau.

Le message était, cette fois, limpide : «Guy A. a reçu un coup sur la tête de la part de Julie. Genève-vous pas à venir.» Guy A. : le code entre le Chef et moi. Bastien était en vie à Genève.

Ne faisant ni une ni deux, je répartis les troupes : Helena aux trousses des Tchétchènes; le Général Classifié à la recherche des ravisseurs du pape, le vrai. Mon père? Où était mon père?

Je pris le premier vol pour Genève.

Explosion au Vatican: deux morts

ROME – Le pape et au moins trois personnes sont portés disparus à la suite de l’explosion d’une bombe dans la Cité du Vatican et successivement une autre à Madrid. Deux zouaves ont été tués sur le coup, mais on ne craint pas pour leur vie, selon les autorités médicales.

Une voiture transportant des militants pour la paix dans le monde a frappé une colonne de pèlerin polonais au moment où les explosions ont retenti.

La déflagration de Madrid a apparemment causé des dommages matériels considérables. La bague du Saint-Père ainsi que les souliers de Saint-Pierre ont été retrouvés indemnes dans un garde-robe. Un cardinal désirant garder l’anonymat appelle à la prière de retrouver sa Sainteté.

Une enquête est présentement en cours au Vatican pour connaître l’origine des explosions. Aucun groupe terroriste n’a revendiqué ce qui pourrait être considéré comme un attentat messianique pour le moment.

Ne vois-tu rien venir?

Je ne savais plus vraiment où donner de la tiare papale, qui me pesait lourdement. Moi qui, depuis ma tendre enfance, supportait mal le poids d'une vulgaire casquette aux couleurs de la Scuderia...

Dans les escaliers nous menant vers l'extérieur et vers le cortège de sécurité qui est l'apanage des grands chefs d'état, je fus interpellé.

- Votre Sainteté, la mère supérieure de la congrégation de Las Palmas de Gran Canaria désire un entretien privé avec Votre Éminence.

- C'est que... Ma Sainteté ici présente n'a pas vraiment la tête à cela. Tous ces pêcheurs m'ont mis dans un tel état, je...

- Elle insiste, Votre Sainteté. Elle a parlé d'un ami commun, un certain Claude M...

- Bon d'accord, elle a 5 minutes.

À ce moment, un rayon solaire inonda les escaliers. Ma vision s'en trouva troublée, et par le fait même moi aussi.

Tout le reste se passa rapidement.

- Votre Sainteté, merci de me recevoir. Je suis Mère Hélèna, mais vous pouvez m'appeler Mère Hélèna.

J'étais sans voix. Heureusement, pas elle. Elle baisa ma bague, et en profita pour licher langoureusement deux autres doigts triés au hasard.

- Mais...

Sa bouche se glissa vers mon oreille droite, qu’elle savait plus susceptible d’entendre ses propos.

- Gautier… les Tchétchènes se sont emparés des boules… La situation est devenue invivable. Dans 7 secondes, nous allons simuler un attentat devant cet établissement, mais je dois vous prévenir que ma montre est en retard de 2 second…

BOUM!

samedi 15 septembre 2007

Reality check

Je reportai mes yeux sur les membres de la pieuse assemblée. Tous ces gens de l’Opus Dei, fidèles et grands contributeurs aux coffres de l’Église. La haute finance qui se paie une messe dirigée par le pape en personne.

Et tout ce qu’ils avaient à se mettre sous la dent c’était un pape de pacotille. Que dis-je, une parodie de pape, qui mimait le déroulement de la messe. Je vous fais gré de l’homélie, puissante réflexion sur le sens du partage chez Luc et Jean. Je crois que ça sonnait comme l’Allégorie de la caverne.

J’avais terminé mon office avec l’aide du vicaire en chef ou Grand Sachem de l’Opus. Il m’avait rendu un fier service alors qu’il disait tout haut ce que je ne pensais même pas.

Je m’étais même permis une petite bénédiction urbi et orbi.

C’est au sortir de la sacristie, accompagné de plusieurs zouaves, que je commençai à comprendre mon tourment. J’étais pape. Même Dieu ignorait où le vrai se trouvait. Mon présent statut ne me laissait aucun doute : j’étais infaillible.

Il fallait reprendre l’enquête. Il fallait se relancer sur la piste des boules, de ce cénacle, d’Helena. Même celle de Claude Meilleur.

J’ai compris bien tard qu'on me manipulait. Il me vint l'idée de m'enfuir. Me sauver de ce cercle de protection et de ces zouaves. Il me faudra quitter cette cage dorée, mais pas maintenant.

Car je suis pape et quand on est pape, on ne fait pas ces choses-là...

La pièce d'à côté

Bip…
Bip…
Bip…

“Bonjour, vous êtes au bureau de la Commission Parlementaire sur les accommodements raisonnables. Toutes nos lignes sont occupées, veuillez rester en ligne et conserver votre priorité. Noter que nos heures d’ouverture sont… »
Chef Bastien raccrocha le combiné du téléphone. Il était nu. Il avait une sacré bosse sur la tête. Il ne se souvenait de rien. Sauf du moment qu’il avait été enlevé par des gens en imperméable et portant la cagoule. Puis c’était retrouvé dans cette cellule.

Une pièce rien de plus sobre. Un lit, une table, un téléphone et un frigo qui était toujours plein. Pourquoi un téléphone ? Pourquoi un seul numéro en mémoire ? Bastien avait bien essayé de composer autre chose, mais à chaque fois c’était la Commission. Et personne ne répondait. Pas de musique discrète entre les messages. La même bande en continue. Depuis cinq jours. C’était presque de la torture.

Comment allait-il révéler au monde entier que le Pape était en grand danger. Que la lignée d’individus appelés Claude Meilleur s’étendait sur 8 siècles ! Aucune progéniture autre que des Claude Meilleur.
Grace aux découvertes qu’il avait faites, Bastien était convaincu que les Claude Meilleur avait pu influencer le cours d’histoire. Ils n’avaient jamais été roi ou conquistador, mais avaient, de leur manière, été les auteurs d’anodins actes de bravoures et de défiances. En ce moment même, le monde balançait et personne ne pouvait s’en apercevoir.
Heureusement, Gautier était sur le coup et Bastien avait confiance en lui.

Pape mobile

Je me préparais à rendre vert de jalousie le mime Marcel Marceau que pour une raison que seule la raison connaît, mon téléavertisseur vibra. J'aurais pu l'ignorer, n'eut été de l'option «secousse sismique californienne» à laquelle je l'avais synthonisé. En prenant mon message, je me sentais un peu coupable d'être responsable d'un typhon de force 8 qui engloutit les Philippines.

«Ramène du lait et du pain. Et n'oublie pas de ramener ton film, il est tellement en retard que c'est Pierre-Karl lui même qui a appelé à la maison, poussin. Maman qui t'aime.»

Ah tabarnak. Comment ça «Maman». Ça va finir par devenir une maladie. Tout de suite j'accusai l'Archange Jérémie de ce mauvais coup, et à titre de pape, je votai mon excommunication sur le champ.

Mais de quel film parlait-elle exactement?

vendredi 14 septembre 2007

Hic et Nunc Missa Pastrami

Puis la réalité revint à moi. Ce petit messager ratatiné d'Ennio Tyger était introuvable, et tout le monde s'affairait à mes côtés comme si rien ne s'était passé.

Je sursautai lorsque ma clope, presque entièrement consumée, me brûla les doigts. Claude Meilleur avait réapparu et m'observait du fond de la pièce.

Ma dernière vision remontait à quelques années. Je croupissais depuis quatre mois dans une cellule à Bora-Bora lorsqu'un sandwich au pastrami se matérialisa devant mes yeux et me confia que le gardien, 5 minutes plus tard, allait échapper ses clés devant ma porte et que j'aurais une excellente occasion de m'évader si je parvenais à les ramasser plus vite que lui. Depuis, j'ai appris à prendre au sérieux ce que j'aurais auparavant considéré comme du délire, et aussi je suis devenu végétarien. Mais là, Gabriel, c'était pas de la gnognotte...

Si j'en croyais donc l'archange, les boules devaient être rendues à un genre de société secrète paienne nommée Cedrika.

Lupaccini revint avec pallium, manipule et chasuble fraîchement repassés qui fleuraient bon le Downy rosée printanière. J'enfilai prestement le tout en me demandant comment j'allais dire la messe, moi qui malgré mon incommensurable culture ne possédait que quelques fragments de latin. Et une messe en français ou en espagnol, devant un parterre de membres de l'Opus Dei, c'eût pratiquement été un appel au putsch.

J'optai pour le langage universel de la pantomime.

Pour qui sont ces versets qui sifflent sur nos têtes?

À ces mots, Ennio Tyger, tel Satan incarné, se volatilisa sous nos yeux, avalé par ses rides.

Le plafond s’obscurcit soudainement pour faire place à un ciel nuageux et opaque. Une raie de lumière aveuglante s’ouvrit en son centre. L’archange Gabriel, Jérémy de son prénom, apparu sur un chariot d’or et d’opale. Sa main droite brandissait un glaive de feu. De sa bouche émanaient de lourdes imprécations :

– Malheur à celui qui ose prendre la place du pape! Cet homme impie devra s’amender ou périr! Votre âme ne connaîtra le repos que dans le salut de sa Sainteté enlevé par ces idolâtres!

Je me jetai par terre devant l’apparition divine. Je savais que j’aurais dû déjeuner ce matin. Si Dieu s’en mêle aussi que me restait-il à souhaiter?

– Ô Pardon! Pardon! Pardon! Me mis-je à balbutier impuissant et à genoux.

– Votre aisance à reconnaître vos fautes saura-t-elle vous racheter? lança l’Archange descendu de son véhicule céleste tandis que le ciel orageux laissait place au plafond de la suite.

Les zouaves et les pages semblaient immobilisés et de fait ils l’étaient. Même mon vieux père derrière moi semblait pétrifié.

– On ne peut se permettre d’être vu par trop de gens à la fois, me dit l’ange sur un ton plus terrien. Même moi, j’en perds mon latin.

Cabotin, le messager. Qui l’eût cru? Il poursuivit :

– Rachetez-vous en conservant vos boules. Il faudra les remettre à Cédrika : le Cénacle des Druides et de la Kabbale.

jeudi 13 septembre 2007

Le message qui tue

Ce n’est pas possible, qui donc peut être si haut placé pour ne pas daigner avoir l’humilité de se déplacer vers moi, Pape tout puissant, maître suprême de l… bon, ça va faire! Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui se passe? Je me ramasse déguisé en Pape, mon zouave de père dans le cadre de porte et cette tête chiffonnée qui veut se confesser. J’étais parti en vacances, moi, bordel!

-Ma confession ne sera pas facile à entendre, Votre Sainteté.

-Notre sainteté est à l’écoute, notre fils.

-J’ai commis une grave faute.

-Aboutissez, qu’on en finisse.

-C’est moi qui ai tué votre mère.

-Est-ce tout ?

-Oui, c’est tout pour cette semaine.

-Très bien, maintenant, remettez-moi le message, pas que ça a faire, nom de Dieu !

-Le voici, il vient de Jérémy, c’est au sujet de Cédrika.

Ce damné Ennio Tyger

Un petit vieux tout rabougri entra dans la pièce. Son visage était comme une cocotte de pin. Il avait les yeux bleus délavés et éteints, pourtant, ils semblaient chercher quelque chose. Bien que sapé comme un prince liturgique, l'homme dégageait une intense méchanceté. Malsain. Dangereux. Diabolique. Et abominablement laid.

Il m'adressa directement la parole, d'un ton très doux, presqu'agréable, teinté d'un accent latin :

- Mon nom est insignifiant, mais je me présente à vous mon père. Je suis Ennio Tyger.

Ennio Tyger, ça me faisait penser à quelque chose, mais je ne me souvenais pas de quoi. Le vieillard reprit, en pointant un vieux parchemin roulé et ceinturé d'une cordelette rouge et à glands dorés :

- J'aimerais être entendu en confession, avant de vous remettre un message envoyé par des gens très haut placés qui ne peuvent malheureusement pas se déplacer jusqu'à vous. Est-ce possible ?

Étrangement, sa demande semblait davantage être un ordre. Comme hypnoptisé, j'acquiesçais du chef. Ce bonhomme ne me disait rien qui vaille, mais j'avais l'impression qu'entre Claude Meilleur ou lui, mes options étaient très limitées. Le Phoenix ou le diable…

mercredi 12 septembre 2007

Un concierge pour le janitor

Ce n’était pas tout, ça, j'étais déguisé en pape, mon père en zouave et l'autre, Meilleur, il produit des macchabs. Je me demandais si j'avais en plus de l'allure les pouvoirs d'un pape. Je m'agenouillais devant le janitor et lui murmurait une sorte de dernier sacrement, genre : mec, t'étais pas au bon endroit au bon moment (merde, ça pisse des boyaux), paix à ton âme, ave, et toutes sortes de bonnes choses.

D'autres zouaves arrivèrent dans la pièce, ça s'énervait en suisse, j'y comprenais rien, quel étrange accent tout de même. Ce que c'est beau, la francophonie. Mon père tenta de calmer tous ces gens. Ça ne marchait pas du tout, je crois qu'il est doué pour la thérapie personnelle, mais les groupes...

Je me décidais enfin à intervenir, je suis le pape tout de même, quand les gens de l'Opus Dei arrivèrent enfin, finis le déconnage, ceux-là jouent à l'oreille. Illico, ils empoignèrent le cadavre et le sortirent prestement de la salle. On demanda à un concierge de nous débarrasser des boyaux de janitor trempant dans une flaque de sang qui avait la forme du lac Érié.

Ce con de Meilleur s'était volatilisé, à l'anglaise. Je sortais une clope : cinq zouaves se portaient volontaires pour m'allumer. J'étais en veine, ces petits gars étaient vachement bien élevés. J'allais peut-être décider de rester en pape pour quelque temps, peut-être toute la vie. Ici, c'est cent fois mieux que Bergame, c'est moi qui vous le dis.

Retrouvailles, encore

- Parle pas de maman, s'il te plaît, chuchoté-je derechef.
- Pourquoi, ça te met mal à l'aise?
- Non, j'ai juste pas envie.
- Pourquoi t'as pas envie?
- Bon ÇA SUFFIT MAINTENANT PAPA! Euh... Ach, z'est pien moi il papa, ja, ja!, dis-je pour camoufler mon dérapage.
- Prends-le pas mal, fiston, mais faudrait travailler ton accent, Jean XXIII est italien.

Justement, le janitor semblait se douter de quelque chose. Meilleur lui lança un regard de côté et s'avança vers nous:

- Bon, Gauthier, pas de temps à perdre, dit-il en retirant, sans le regarder, l'épée des tripes du janitor derrière lui. Il me faut vos boules.

Moi: Hé, j'ai pas déjà vu ça quelque part, ce move-là?
Meilleur: Je vois pas ce que vous voulez dire.
Papa: Si, si, j'ai vu ça aussi déjà, le gars qui tue quelqu'un avec une épée, qui la retire en lui faisant dos...
Meilleur: J'sais pas.
Moi: Une photo peut-être, un film?
Meilleur: Ah oui maintenant que vous en parlez, ça me dit quelque chose aussi...
Papa: PULP FICTION! C'est dans Pulp Fiction, c'est quand Bruce Willis est dans la cave avec Zed et Marcellus et Kevin Smith.
Meilleur et moi: Voilàààà! C'eeest ça!
Moi: Kevin Smith joue pas dans Pulp Fiction, papa, voyons!
Papa: Ah bon?
Meilleur: Non, j'avoue que le gars lui ressemble, petit gros barbu, mais c'est pas lui... Bon, nous disions donc?

Dans ma bulle papale

Les deux zouaves firent leur entrée dans la chambre. Je les reconnus immédiatement. L’un d’entre eux, un vieillard en somme, portait la même barbe conique que j’ai l’habitude de porter. L’autre avait les traits de Claude Meilleur.

J’avais la bague au doigt. Je me tâtai la tête. Je sentis une résistance sous ma calotte. Ça ne pouvait être que la puce des janitors. Je fis signe au cardinal de s’approcher. Voyant qu’il avait l’air con, j’optai pour l’Italien.

– Mon fils! Allez avec vos zouaves préparer mon pallium et mon manipule pour que nous soyons fins prêts pour cette cérémonie liturgique.

– Mon Père! Je suis votre Secrétaire! Vous en êtes sûr?

– Douteriez-vous de moi? Je sais que cela peut sembler déshonorant, mais je veux qu’un homme de confiance assiste à cela. Je vous en saurais gré, cardinal Lupaccini. (Mes lectures assidues de l’Osservatore Romano m’étaient enfin utiles.)

Le cardinal partit avec sa suite. Le zouave qui semblait plus malin me dévisagea avec curiosité. Il quitta.

Il restait un homme en soutane noire et les deux zouaves. Je fis signe au vieillard et je pris place dans mon fauteuil. L’homme à la barbe conique avança péniblement. Le sosie de Claude Meilleur l’aida.

– Nein! Fis-je dans un français teinté d’allemand. Che zouhaite le conveszer.

Meilleur recula, interloqué. Le janitor observait la scène.

Assis à ma droite, le zouave se pencha vers mon visage.

– Mon fils, dis-je à mon père.
– Si ta mère te voyait, chuchota-t-il.

mardi 11 septembre 2007

L'arrivée des zouaves

J’attendais… Et j’attendais encore. Personne. Le général avait bien dit l’apéro, j’en étais certains. Malchanceux de nature, j’étais tout de même surpris de mon propre manque de veine. J’étais encore dans mes pensées lorsque la porte du placard s’ouvrit. Le jet de lumière arrivant de la fenêtre m’éblouit un instant. Je fermais les yeux.

Dans ma noirceur intérieure, j’entendais une femme crier à une autre qui lui répondait des paroles que j’avais peine à saisir.
Deux zouaves entrèrent dans la pièce suivi d’un cardinal. On détachait mes liens, m’enlevait mon bâillon, m’aidait à me relever et m’asseoir dans le même fauteuil ou j’avais trouvé le Pape (Claude Meilleur). C’était le moment ou jamais de jouer le jeu.

- Gutentag men….. (J’étais mal tombé, le type me parlait allemand)

Je pouvais converser des heures durant en français, italien, espagnol avec un faux accent allemand, mais c’est ici que mon entrainement de mime allait me venir en aide.

Je toussais en pointant le pichet d’eau sur la table du coin. On m’apportait un verre d’eau. (c’est bon, je ne suis pas trop rouillé)
Pointant la porte, je râlais en crachant un peu. Le Cardinal avait l’air con. L’un des deux zouaves semble animé d’une intelligence supérieure puisqu’il fit demi-tour et alla observer le passage des hôtes dans le cadre de la porte. Il étudiait attentivement chaque individu, portant son regard au loin pour identifier les suspects, les cas douteux.

C’est à ce moment que se pointèrent les deux cons (zouaves) du service.

lundi 10 septembre 2007

Pape Доминиканской Gautier

Je me réveillais assis-couché-ligoté-bâillonné dans un placard. La lueur venant du dessous de la porte me permettait d’admirer une collection de soulier à talons hauts à faire rougir Julie Snider. Il faisait très chaud. J’étais trempé.

Bon sens! Une fois de plus, Claude Meilleur faisait son apparition. Mais à quel dessein? Ses premières paroles me revenaient en tête.

« Mon nom est Claude Meilleur. Je suis un ingénieur envoyé par le futur pour vous avertir d'un grave danger. »

De quel danger s’agissait-il? – J’errais à mes pensées lorsqu’une voix se fit entendre. C’était Meilleur avec un accent allemand. Son homologue chuchotait, non grondait, non toussait! Enfin, lors qu’il eut terminé de se racler la voix il dit :

- Si votre Sainteté veut m’accompagner, il est l’heure de l’apéro.
- Je vous suis jeune homme.

Bon, déjà l’apéro. Dans quelques instants les collègues vont se pointer et me trouver-là, au beau milieu d’une penderie. Mais… la chaleur… Je me frottais le visage sur le tapis. Rien. On m’avait revêtu le masque. Le masque Papal. Je sentais aussi un léger picotement dans le fond de la gorge. Je toussais. J’avais une bosse dans la trachée. J’avalais d’un coup ma salive…

Mon pire cauchemar n’arrivait pas à la cheville de ma situation présente. Moi, Доминиканской Gautier, dit Paul Vergunsten, athée par conviction, scorpion d’ascendance, j’allais passer pour le Pape durant les prochaines 24 heures. Cauchemar… Peut-être pas! Autant en profiter pour faire ma propre enquête au sein de nos services secrets.

Incrustus majorus

J'arrivais au lieu-dit un peu à l'avance. J'étais un peu nerveux, c'était ma première mission papale et mon latin était rouillé. Mon allemand encore plus. Au moins, le pape pouvait ne faire que des signes de croix et marmonner des commentaires exécutifs à son entourage. Je me remémorais vaguement un je vous salut marie et un notre père dans plusieurs langues dans mon ridicule costume de zouave.

Tout se passa comme sur des roulettes. J'intégrais les rangs de mes zouaves complices. Je me rendais dans la pièce où était assoupi le vieil animal.

Il ne faisait pas très clair. Je m'approchais du pape quand une lampe s'ouvrit.

Le pape était assis sur son lit, en bedaine, et tenait entre ses mains un Mauser pointé sur moi.

- Gauthier, tiens tiens. Votre plan a échoué, encore une fois. Je vous ai doublé et cette fois vous aurez beaucoup de difficulté à vous sortir de cette histoire.

- Mon père, ce n'est pas ce que vous croyez…

- Mon père ? Tu n'as pas pigé ? Ça fait des mois que je suis dans sa soutane et que je contrôle la chrétienté. Moi aussi, j'ai un masque de la SQ.

- Mais alors, qui êtes-vous?

- On m'appele Claude Meilleur. Mais appelez-moi papa.

Détonation. J'avais une fléchette dans le bras. Je me sentais m'évanouir encore une fois. J'espérais ne pas me péter la gueule sur le coin de cette commode…

samedi 8 septembre 2007

Paul Vergunsten vous dites?

Paul Vergunsten. J’étais près à parier que c’était un canular. Paul Vergunsten auquel on m’avait tant de fois identifié. Paul Vergunsten qui avait été 18, puis 57, mon partenaire, voisin de siège. Paul Vergunsten qui avait pris, pour moi, un poignard dans l’abdomen. Celui-là même qui avait fini calciné dans l’écrasement du Boeing.

Paul Vergunsten…

- Vous avez l’air surpris Gautier,… pardon Vergunsten!
- C’est que je ne crois pas que le nom me colle à la peau. Vous n’auriez pas une autre carte comme Aimé Letendre?
- (Le général fit un signe au Caporal qui se tenait près de lui, qui fouilla une mallette et remit deux cartes au Général) Voilà, nous avons Béatrice-Marie Tremblay-Potvin ou Rachid Azgada Francoeur. Rachid, ça vous va?
- À bien y penser, je crois que je vais conserver Paul Vergunsten.
- Bon, le Caporal va vous remettre votre uniforme dans la pièce voisine. Vous avez des questions?
- (J’hésitais) Heu... Oui. La bague, je fais quoi avec?
- (Caressant sa nuque, le Général me considéra un instant) La bague…Hum… Vous avez bonne mémoire…
- Mon Général … (lui dit le Caporal en regardant sa montre Swatch)
- Vous la garderez. Garder aussi le manipule, le pallium et la calotte. Surtout la calotte. Il y a un émetteur que les Janitors utilisent pour suivre les déplacements du Saint-Homme.

Une fois l’uniforme enfilé, je montais dans un taxi. Ce dernier s’élança vers la Puerta de Alcala. Au passage, je pris le temps d’admirer le paysage.

vendredi 7 septembre 2007

Big Briefing

Le général prit une grande inspiration, et lanca:

- Voilà: nous devons parler au pape, mais les questions que nous avons pour lui ne lui plairont certainement pas; il est impossible d'espérer une audience en bonne et due forme. Il nous faut donc provoquer une rencontre. Le problème est qu'il est assez amoché côté santé, et, par voie de conséquence vu son statut, accompagné en permancence par 27 infirmières et 12 médecins. Sans compter les 56 zouaves qui forment sa garde personnelle. Autre ennui: sa tournée en Espagne, même si elle s'avère providentielle, requiert qu'on lui voie sa tronche en public une fois de temps en temps. Et c'est ici, Gauthier, que vous entrez en jeu.
Vous prendrez l'identité d'un zouave et irez rejoindre deux collègues ayant déjà infiltré les gardes; dans 48 heures, le planning papal prévoit une petite sieste avant l'apéro. Pendant que nos agents garderont la sainte chambre, vous l'assommerez, le mettrez dans le garde robe (vous verrez, y a la place), où l'on viendra le récupérer plus tard. Dans la table de chevet vous trouverez un masque de latex de Jean XXIII qui restera collé 24 heures sur votre visage sans que vous puissiez l'enlever (c'est les chimistes de la SQ qu'ont inventé ça, sont super hot). Là, on vous enverra d'autres instructions. Voilà votre nouvelle identité de zouave.

Il me tendit un badge; je lis le nom à côté de ma photo.

- Paul Vergunsten?

jeudi 6 septembre 2007

Veau, vache, cochon, couvée

Je profitai d'un moment de repos pour examiner plus attentivement le panneau central du Jardin des délices. Il n'était pas sans me rappeler les tableaux naïfs que grand-mère aimait peindre avec le sang frais du veau que feu son mari aimait occire les soirs de pleine lune.

Je gardais d'ailleurs précieusement dans ma poche arrière une petite copie d'une de ses oeuvres. Je la montrai à Héléna.

- Héléna, voyez ici ce que je tiens dans ma main.

- Vous êtes un goujat Gautier!

- Non, non, l'AUTRE main, Héléna.


- Sans vouloir manquer de respect, elle n’avait aucun talent la vieille. Et ce n'est pas du tout un veau, vous aurez remarqué.

- En fait, si l'on compare l'ADN des deux bêtes, le cheval et le veau sont semblables à 98.6 %.

- Et tout ceci est censé nous mettre sur la piste de...

- C'est vous la triathlonienne deux fois médaillées aux Jeux du Commonwealth, c'est à vous de me dire.

Le général interrompit notre conversation.

- Bon, au moins ça avance ce dossier. Je dois donc prendre pour acquis que la situation papale a été réglée?

Le silence qui s'ensuivit dans la pièce fut très peu rassurant.

- Bordel! tonitrua sans ménagement le Généralissime. Selon Radio Vatican, il sera en territoire espagnol mardi. Vous sentez-vous à la hauteur, Gautier?

- Oui bien sûr, comptez sur moi! Euh... je dois faire quoi exactement?

Le César va à... Helena!

Enfin, le mystère se révélait peu à peu. Helena semblait avoir un rôle différent que celui qui lui avait été attribué. Où était passé son accent?

- Quel bel accent vous avez là. C’est belge?
- Non suédois.
- Vous ne boitez plus.
- Apparemment, non.
Je me sentais rougir. Je revoyais les moments intimes de notre première rencontre, lorsqu’elle m’avait offert une vodka.
- Et votre cœur va bien?
- Oui.
- Vous savez Gautier, Helena est une triathlonienne deux fois médaillées aux Jeux du Commonwealth – intervint le général.
- Oui, bon… passons – dit-elle d’un air impatient.

- Vous dites que la solution serait dans ce tableau? – demandais-je.
- J’admets que ça fait cliché – répondit-elle.
- Effectivement.
- Un peu Hollywood… - ajouta-t-elle en levant les yeux.
- Je me rappelle ce film… un navet. Hudson Hawk, avec Bruce Willis – ajouta le général
(puis continua)
- Le type avait à faire avec une machine à transformer le plomb en or…
- Foutaise. – dit-elle d’un ton sec.
(puis ajouta)
- Il est impossible de transformer le plomb en or.
(sortant les boules de ma poche)
- Et ces boules-ci, on pourrait les changer en or mon général?
- Donnez-moi ces boules Gautier –dit-elle. Elles ne sont pas en plomb, c'est de l’uranium.
- Et bien mince alors! Ça explique la radioactivité. Et l’inscription?
- C’est une anagramme Gautier. – intervint fièrement le général.
Quel délire me dis-je ! Avec ma chance proverbiale, j’étais à nouveau tombé sur une bande d’abruti.

Le Jardin des délices

Le cortège s’arrêta devant le musée du Prado. Je fermai le portable après avoir sollicité l’amitié d’un 864e Claude Meilleur.

– Vous ne trouvez pas que l’on a mieux à faire que de visiter le Prado? dis-je à Gerry.

Le généralissime Classifié sourit à ma remarque. « Vous n’avez pas lu vos dossiers récemment. La base opérationnelle de l’Organisation se trouve désormais au deuxième sous-sol de ce musée. Venez. Elle nous attend. »

Je n’avais visité le Prado qu’une fois dans la vingtaine. Je ne verrai pas Vélasquez et Goya cette fois-ci. On me dirigea dans un couloir où l’on prit une porte dérobée puis un escalier. Cet escalier débouchait sur un couloir, qui, lui, donnait sur plusieurs portes. Le général en ouvrit une.

Effectivement. Elle m’attendait. Helena. Dans un sarrau blanc, qui masquait ses formes voluptueuses.

– Bonjour Gautier. On peut dire que vous nous compliquez l’existence. Vous avez eu des ennuis avec votre oreille à ce que je peux voir. On a tant à se dire, mais allons à l’essentiel. Rendez-moi mes boules!

– Et pourquoi devrais-je le faire? Je ne suis pas une poire, belle Hélène.

– Ces boules contiennent un secret qui dépasse vos maigres connaissances, Gautier. On les a retracées pour la première fois au cours de la Reconquista. Hieronymous Bosch les a étudiées en son temps. Son chef d’œuvre Le Jardin des délices révèle d’ailleurs une partie de leurs secrets. Voyez par vous-même.

Helena me montra l’original de Bosch, installé sur le mur de gauche.

Le Jardin des délices (panneau central). Hieronymous Bosch. Circa 1501.

"Nobody expects the spanish inquisition"

Il faisait beau ce matin-là, à Valencia en 1484, lorsque les gardes vinrent chercher Margarita. Elle devait être exécutée exactement dix minutes après le lever du soleil.

On l'avait amenée, puis attachée sur le bûcher, et un officier lui lisait un truc en latin pendant que le bourreau approchait avec sa torche. Soudain on entendit quelqu'un crier, entrant au grand galop sur la place. De quelques mouvements rapides, il dégaina son épée et décapita tout ce qui ressemblait à un homme armé dans un rayon de cent mètres, ce qui lui donna le temps de détacher Margarita et de s'enfuir avec elle. Après quelques minutes à cheval, ils descendirent, et l'homme expliqua:

- Je suis Claude Meilleur. Vous ne deviez pas mourir par les flammes ce matin. Par une succession d'événements dont je vous passerai les détails, ça donne cinq minutes d'avance à mon avion (un genre de gros oiseau en métal) dans un futur éloigné, ce qui m'arrange pas mal.

Émue, mais ne comprenant rien à ce qu'il disait, elle lui offrit modestement son plus beau trésor, deux boules en acier poli, parfaitement lisses et brillantes.

- Merci, dit Meilleur, avant de lui couper la tête d'un geste distrait. Fallait juste pas qu'elle brûle.

Le jet privé se posa sur la piste, alors qu'un 737 en provenance de Rome envoyait un message de détresse sur la fréquence. Richard Gauthier devint livide; Meilleur, de son côté, affichait un sourire satisfait.

mercredi 5 septembre 2007

Claude Meilleur en beau tarmac

Les ordres venaient d’entrer sur la radio du coquepitre. Claude Meilleur souriait.

– Je n’aime pas les décollages, ça me fout des problèmes de pression Monsieur Gautier. Par contre, je n’ai rien contre les atterrissages pimentés. Je vous conseille d’aller boucler votre ceinture Monsieur Gauthier.
– Nous allons nous rediriger vers un aéroport mineur de Madrid, dit le pilote.
– Il n’en est pas question, s’opposa Claude Meilleur. Vous vous posez ici même et au diable les véhicules d’urgence qui arrivent en trombe sur le tarmac. Je vous paie un bon salaire pour obéir à mes ordres, tabarn... (C’était pour rimer avec tarmac). Il faut rejoindre cet avion et retrouver Gautier avant que… attendons voir… à Madrid c’est Gerry… que Gerry lui mette la main au collet!
– Comme vous voulez boss, mais il se peut que je grafigne la carrosserie un peu. Accrochez-vous comme il faut.

Et le sol rougeâtre des environs de Madrid se rapprocha lentement des fenêtres du cocképitre sous les imprécations anglo-franco-hispanophones de la tour de contrôle.

Lorsque les roues se posèrent sur la piste, Meilleur remarqua la tête reconnaissable entre mille du Général Classifié s’engouffrer dans l’une des voitures avant que le cortège s’éloigne de l’épave du 737.

– Eh merde! Il nous a doublé le salaud, lança Claude Meilleur dégoûté.

Le livre des faces

- Vous avez internet dans votre véhicule ?

- Bien sûr, c'est très pratique. L'autre jour, je me demandais où est-ce que je pourrais manger russe dans Madrid. Je tape dans Google et hop, un tas de restos, les descriptions, un plan détaillé pour s'y rendre. C'est presque magique.

- Vous permettez que je vous emprunte votre portable, Général Classifié ?

- Bien sûr, mais appelez-moi Gerry.

- Merci Gerry.

Je commençais par vérifier mes messages. Des menaces, du junk, des ré-abonnements. Le véhicule se rendait rapidement au coeur de Madrid. Enfin, un peu d'aide. Tiens, et si j'en profitais pour googler ce fameux Claude Meilleur…

(Bruit de clavier rapide, comme dans les films)

Mince. Internet était peuplé de Claude Meilleur. Des tas et des tas. Je me décidais à consulter ma fiche dans Facebook. Plus de 3600 Claude Meilleur. Je décidais de les inviter à être mes amis afin de leur tendre un piège…

Comme dans les films

Engagés comme ils l'étaient dans cette passionnante discussion, Gauthier et Meilleur n'entendirent qu'à moitié le capitaine annoncer d'une voix routinière leur arrivée prochaine à Madrid, en même temps que le succès retentissant du potage aux cretons servi par l'unique agent de bord, Jean-Marcel, dont la patch qu'il portait sur son oeil droit laissait planer une certaine inquiétude quant à sa capacité à manier convenablement l'AK-47 qu'il se trimballait en bandoulière.

Le capitaine haussa les épaules devant l'ignorance que lui vouaient les deux uniques passagers de son jet privé, et retourna dans le croquepique en se disant qu'il aurait plutôt dû suivre ses passions et faire carrière dans les ballets jazz.

Madrid n'était plus qu'à une vingtaine de nautiques.

- Madrid, Charlie fox alpha, Lear 70 à 3000 pieds au point papa bravo, pour atterrir, estimée dans 5 minutes.
- Charlie fox alpha, ici Madrid, vous êtes numéro deux derrière le 737 en train de s'écraser... en fait non, allez-donc vous poser ailleurs.

Gauthier et Meilleur dressèrent la tête en entendant le dernier message. On recevait le 737 en détresse sur la fréquence : "Mayday, mayday, inspecteur Gauthier aux commandes du 737, tout le monde est mort dans l'avion sauf moi passque j'aime pas la soupe au potiron, je sais pas piloter, j'ai même pas de permis de conduire, à l'aide!"

Richard Gauthier devint livide; Meilleur, de son côté, affichait un sourire satisfait.

mardi 4 septembre 2007

Claude?

Richard Gautier était donc arrivé à l’aéroport Pierre-Elliote-Trudeau dans une américaine noire pour prendre un jet Bombardier avec Claude Meilleur quand celui-ci ouvrit une bouteille de Scotch.

-Vous en voulez?

-Jamais avant le décollage, jeune homme.

-Je ne suis pas un jeune homme, je suis Claude Meilleur.

-Oui, vous êtes Claude Meilleur, vous me l’avez dit tout à l’heure. Quel âge avez-vous, Claude?

-J’ai 132 ans.

-Je vois. À quoi occupez-vous vos pensées ces jours-ci?

-Monsieur Gautier, je dois retrouver votre fils.

-Oui… vous devez retrouver mon fils…

-Oui, c’est ce que je viens de dire!

-Et pourquoi devez-vous retrouver mon fil, Claude?

-Parce que c’est ma mission.

-C’est votre mission, je vois. Et comment vous sentez-vous dans cette mission?

-Pourquoi me posez-vous cette question?

-He bien, vous êtes venu me chercher, Claude.

-Oui, pour retrouver votre fils.

-Ressentez-vous de la pression en ce moment?

-Je supporte mal la pression atmosphérique, les décollages sont un enfer pour moi.

-Et c’est pour cette raison que vous vous adonnez à l’alcool, Claude?

-Non c’est que j’ai une grippe à casser. Bon maintenant, je dois savoir ce que vous savez sur votre fils.

-Vous sentez-vous persécuté, Claude?

-Monsieur Gautier, vous voyez que nous sommes dans un avion.

-Oui, je vois que nous sommes dans un avion, Claude, le voyez-vous aussi?

-Je deviens fou où c’est vous qui l’êtes?

-Qu’en pensez-vous, Claude?

Swing de l'enfer

- Tiens, maintenant je suis un maudit chacal. Et vous, général, qui êtes-vous? Et ne me dites pas Claude Meilleur sinon j'ordonne moi-même à vos sbires de me mitrailler.

- Mon nom est Classifié. Général Germain Classifié.

- Nous devons travailler pour la même organisation. Je présume que chef quelque chose est votre supérieur immédiat.

Le général Classifié semblait disparaitre sous son béret. Je poursuivis :

- Et j'imagine que vous croyiez que mon nom Paul Vergunsten, n'est-ce pas ?

- C'est ce qu'on m'avait dit. Vergunsten travaille pour nos services, mais depuis quelque temps nous croyions qu'il avait été soulevé, que c'était une taupe. Il se faisait aussi appeler 57, entre autres. Je crois que je peux vous présenter mes excuses, monsieur… monsieur ?

- Inspecteur Gauthier fera l'affaire.

- Mais nous nous connaissons, dans ce cas. Nous avions participé à une partie de golf de levée de fonds pour une association prète-nom habilement dissimulé en chambre de commerce d'une petite ville de la Rive-Sud de Montréal.

- ah oui ! Je vous reconnais. Ce doit être l'uniforme. Vous aviez un swing de l'enfer.

- C'est ce qu'on dit, dit-il, pas peu fier.

- Pouvez-vous m'aider ? J'ai des affaires urgentes à régler ?

- Bien sûr, moi et mes hommes sommes à votre disposition, inspecteur !

Traumatisme crânien

Je me réveillais d'une énième perte de conscience, le manche à balai entre les pattes.

Du cocpitre il ne restait rien. J'étais sur mon siège, dans le milieu d'un champ. Je risquais un oeil derrière moi : débris métallique en flamme éparpillé sur des kilomètres.

J'avais réussi à poser ce coucou sur la piste (et un peu hors de celle-ci, je prenais la clé des champs, aurait-on pu penser). Les passagers, surtout québécois, applaudissaient mon atterrissage quand une terrible déflagration interrompit le cours de mes pensées avant de re-subir un traumatisme crânien.

Je détachais ma ceinture et courais vers la partie la plus complète de la carlingue en flamme. Je localisais plus ou moins l'endroit où j'avais été assit, avec 57, qui était maintenant carbonisé. À ses pieds, je trouvais ce que je cherchais, mon sac à moitié brûlé, par chance.

Je sortais les boules de leur coffret. Elles étaient brûlantes. L'inscription relisait étrangement. Je soupirais de soulagement.

- Mes précieuses, m'entendis-je dire.

Les secours arrivaient. Parmi les camions d'incendie, un véhicule vint à ma rencontre. Je m'attendais à ce genre d'escorte; j'avais une mission à terminer.

Une trentaine de militaires sortirent et me pointaient de leur M16 américain. Un homme noir au béret vert sortit en prenant son temps. Arrivé devant moi, il me regarda longtemps avec ses yeux les plus durs.

Une petite voix de fausset me parvint à l'oreille et ne correspondait pas au physique de l'imposant général:

- Je vous tiens enfin, maudit chacal.

Vol au dessus d'un nid de cocus

Cinquante-sept ne semblait pas trop souffrir de sa nouvelle condition. Faut dire qu'il a vu pire, il a été voisin de chambre de Claude Meilleur troisième du nom. Paraîtrait que c'était pas la panacée. L'objet contondant qui visitait outrageusement ses reins était somme toute de la petite bière.

- Vous avez mal, chef rétrogradé?

- Seulement quand je souris.

- Ça doit pas faire trop mal alors, hein?

Je le laissai à ses vaines complaintes, et me concentrai sur l'atterrissage à Madrid. Je me serais concentré moins, n'eût été de l'annonce en direct du coquepitre.

«Chers passagers émérites, nous approchons Madrid et devrions nous poser dans l'heure. Tout est sous contrôle, la température est clémente et la crème potiron servie au souper fut un réel succès. Nous espérons que votre expérience à bord fut plaisante, et vous souhaitons un agréable séjour en Espagne. Aussi, notre pilote souffre d'un grave empoisonnement alimentaire au potiron. Si l'un d'entre vous était assez aimable pour nous poser, ce serait apprécié.»

Me voilà donc dans le coquepitre, en train de manoeuvrer délicatement l'engin sur cette piste mal éclairée.

C'est normal qu'elle soit beaucoup plus large que longue?

lundi 3 septembre 2007

Le gras salvateur

Le chef Rudolf trouvé mort dans le Danube, qu’est-ce qu’il faisait là?

Et pourquoi je dois retourner à Madrid?

Sur l’ordre de qui?

Pourquoi m’octroyer un rétrogradé comme partenaire?

Qui est mon vrai chef et où se trouve-t-il?

Et que fait-on d’Helena? Où se trouve-t-elle?

Qui suis-je? Pourquoi-je?

Quessé que j’fais icitte?

-Monsieur Gautier, voici votre plat végétarien, fit l’hôtesse de l’air.

-T’es grano Gautier? Demanda 57.

-Non, on me prend encore pour un autre.

-Bin c’est que t’as une gueule de n’importe qui.

-Bin merci.

-Bin de rien.

-Bin dis donc toi, tu sais quoi de la mission et de quel département tu viens?

-Je suis de la Moselle et tout ce que je sais de la mission, c’est que c’est un code 20.

-Ah bah ouais, un code 20, où avais-je la tête.

-Sûrement dans ton pâté de millet, t’as justement l’air de pas filer.

-Il est effectivement infect.

-Tu veux un sac pour vomir.

-S’il te plaît ouiiiiiiiiiibrrreeeeeeaaaaaauuuuurkkkkaaarrggg.

-Oui, c’est bien, dégobille un bon coup, ça va te passer...

-Ta gueule et trouve-moi le coupable.

-Le cuisinier?

-Non, le gars qui vient de m’enfoncer un objet contondant dans le gras du bide.

Le cinquième passager

Tout était paisible dans le village de Saint-Barnabé en Montérégie. Le soleil était sur son déclin. 19h, peut-être même 19h30, j’oublie toujours ma maudite montre…

C’est l’heure habituelle où Richard Gautier, psychologue de son état, prend sa marche quotidienne. Il sort ses 80 années de labeur et de souffrance pour s’oxygéner et se souvenir de son passé, de ses camarades tombés au combat, de son fils absent qui lui a écrit d’Istanbul. Qu'était-il allé faire à Istanbul ?

À peine a-t-il déposé sa canne sur le béton du trottoir qu’une américaine noire débarque en trombe devant lui. Trois portières s’ouvrent, deux passagers et le conducteur en sortent pour se saisir du vieillard et le forcer à prendre place à bord sur le siège arrière.

Les portières claquent et la voiture reprend sa route.

– Pas de doute, c’est notre homme. Même barbichette conique, mêmes traits que son fils et cet enfoiré de Kolonel, dit l’un des hommes à l’arrière.

– Que me voulez-vous? Qu’est-ce que vous faites? Qui êtes-vous? bredouille le psychologue Gautier.

Les hommes se turent durant les dizaines de kilomètres qui les séparaient de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau.

La voiture s’arrête sur le tarmac. Un homme attend seul à côté d’un jet de Bombardier.

– Monsieur Gautier. Veuillez pardonner la façon cavalière de vous amener ici.

– Qui êtes-vous?

– Je suis heureux que vous posiez cette question. Mon nom est Claude Meilleur.

Énigme parmi tant d'autres

Inouïe! Je n’avais aucun souvenir d’être monté sur un navire. Un personnage familier m’attendait sur le quai.

- Bonjour 18.
- Non 57. On m’a rétrogradé.
- Que faites-vous ici?
- Je suis votre nouveau partenaire.
- Partenaire? J’ai l’habitude de travailler seul! Allez dire aux chefs… C’est une idée du chef Rudolf?
- Non. Chef Rudolf est mort.
- …?
- À Vienne. On a repêché son corps dans le Danube. Nos experts ont estimé que le décès remonte à 10 jours.
- Impossible! J’ai discuté avec lui le soir ou je vous ai rencontré.
- Nous avons tous étés dupés. Le faux Rudolf vous a approché alors que j’étais descendu à la rue « nettoyer » l’explosion du taxi devant l’hôtel et la voiture encastrée dans la marquise. Nous avons retrouvé ceci à l’intérieur. (la boule chinoise)
(Et continua) Il vous a mis sur une fausse piste.
- On fait quoi maintenant?
- Nous retournons à Madrid.

Dans le taxi menant à l’aéroport, je me hasardais à une question qui me brulait l’esprit.
- Quel numéro je porte dans l’organisation?
- Pardon?
- Oui, je dois bien avoir un numéro.
- Vous n’en avez pas. Vous êtes une énigme pour nous.

Après tant d’années, je n’étais toujours pas classifié.
J’avais connu une autre énigme. Son nom était Flabergosse. C’était il y a longtemps. Son corps avait été retrouvé en pièces détachées. Personne ne savait qui était l’auteur du crime. Pourvu que je ne subisse pas le même sort.