samedi 25 août 2007

Vous m'en faites douze, dans la bouette! Toudisouitte!

- Oh! Cette langue si douce qui remonte mon oesophage. Atteindrai-je le nirvana enfin! Ah le transport commun y'a que ça! Ah c'est si bon, c'est si...

- Arh! Sheize, mein tovarich! Fou me degouteign!

- Kesskidit?

- Fou me degouteign avec voz rêvazeries de zeune prepubere, argh zo!

Le contact froid de sa gifle sur ma tempe chaude mais ouatée me réveilla de mes rêveries. Mais ou diable étais-je? Que faisais-je ici? Sans une une ni deux, j'offris à mon interlocutrice le meilleur de moi-même, ce pourquoi je suis né et - on se le rappelera - je suis né PRÉPARÉ pour ce genre de chose.

Je roulai donc en boule au sol et implora maman - cette salope morte, au demeurant - de venir me chercher pour me faire un chocolat chaud-caramel-guimauve, source de réconfort s'il en est une.

- Arh!, kamarade tovarich, fou zètes une zonte! Faites zun zhom de vousse même, schnell!

Cette voix. Cette attitude. Ah c'est clair, tout me revient maintenant.

- Fou répondez trèz trèz mal a la drogue qui fou fu adminiztrée.

Ah oui ok ça me revient trop bien là. Caroline. Caroline! La nièce par alliance de la fesse gauche du laitier qui, naguère, sauta ma mère, cette éternelle pleureuse qui aimait bien se plaindre des pertes d'élans de mon paternel. Sauteries qui résultèrent en une demi-soeur morte au front slovaque, ressuscitée par les bons soins des préposés du Politburo qui avisèrent ladite Caroline qu'elle était désormais... ma soeur!

Comment ça, Byzance?

vendredi 24 août 2007

Il lance... et compte !

[Hummmm... un jeune homme, plus ensanglanté qu'âgé, mené par une détermination digne des attentes d'un peuple transis sous mille lieux de neige, subjugué par l'appel du large.]

Je la vîs me dévisageant la laine de mon pantalon. Ses dents s'adossant aux creux de ses lèvres inférieures, j'eûs cru qu'elle n'attendait - au garde-à-vous - qu'une permission...

[Viens, mon fugueux Rocket, fonce au filet, déjoue ma défensive, empare-toi de ma rondelle!!]

Alors que mon bandage prenait forme par les soins prodigués de la paume de sa main, j'approchais mon visage pour qu'elle éponge les ruisseaux écarlates qui perlaient encore et toujours.

[Sens le souffle chaud qui émane de mon arène... La foule est en liesse... Entends-tu la clameur ??]

Qu'est-ce que cette étrange odeur de gin tonic et olives noires ? Cette langue qui se fraie un chemin dans ma nuque, cette montée à l'emporte-pièce... et mon échappée...

De la brune au buffet

Le train quittait ce Monaco de carte postale où j'avais jadis aimé cette petite princesse à mâchoire carrée.

Sharpy-Forzessel jouait aux cartes avec Helena dans le compartiment voisin, ça faisait beaucoup de bruit, je vous passe les détails.

J'avais faim et je décidais de me rendre au wagon-cuisine.

Au comptoir du buffet, je trouvais une petite brune comme je les aime : l'air taquin, farouche, glacial et sophistiqué des statues romaines sur un corps qui laissait suggérer une mécanique bien huilée. Dans ma tête, je me fis des scénarios ridicules où la brune me rejetait vachement. J'aurais aimé, moi aussi, avoir une compagne pour jouer aux cartes, mais je savais cette gosse inatteignable.

Avec ce type de femme, il n'y avait que deux cartes à jouer : lancer l'as en épatant par sa richesse vulgairement affichée. Ou mettre le Joker sur la table.

J'optais pour la jambette.

En tombant sur la table, j'entrainais dans ma chute la nappe et tout ce qu'il y avait dessus. Les coupes de champagne se fracassaient dans un joli bruit de cristal qui me laissait une infinité de coupures un peu partout sur le visage et les mains.

J'avais maintenant son attention.

Le chef de Bastien

Note de service au chef de Bastien.

Cher Chef,

Vous êtes dégradés à partir de ce matin, 06:00. Votre performance de chef n'était plus vraiment celle d'un vrai chef. Vos méthodes d'action ne sont plus appropriées depuis des lustres, votre panache en a pris un coup et votre oeil de vitre n'impressionne plus personne.

Vous serez donc sous les ordres de Bastien qui n'a pas encore fait ses preuves, mais qui nous semble être un élément prometteur. C'est pourquoi nous vous demandons de le superviser dans sa formation jusqu'à nouvel ordre. Il pourra ainsi continuer à vous appeler chef et vous devrez faire de même.

Nous faisons parvenir un document à vos hommes pour leur expliquer cette situation confuse. Les coupes sauvages dans le budget de défense nous empêchent d'engager des officiers déjà formés. Et après moi j'ai l'air d'un con dans les meetings d'armées avec des gradés des autres nations. Ils nous appellent l'Armée de papier dans notre dos. Je demande des tanks et on me renvoie mes formulaires en disant qu'il y a des cases de pas remplie.

Et bonne journée chez vous !

Votre Général

Pendant ce temps...

Si au moins on s'arrêtait pour la peine à Monaco.
Oui, pour la peine, c’est bien le bon terme.
Stéphanie… oh…
Stéph...

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’océan…

-Mais où est cet imbécile de merde!
-Parti en vacances, chef.
-Je vais lui en donner, moi, des vacances, la prochaine fois qu’un attentat nous tombe dessus!
-Mais, chef, il était déjà parti quand la...
-Ne me prends pas pour un imbécile! Chaque fois qu’il part, on a un attentat sur les bras! Fini les vacances pour cette merde d’imbécile! Trouve-le-moi!
-Mais chef, c’est que…
-Basta! Trouve-le-moi au PC!
-En fait, je m’appelle Bastien, chef.
-Mais d’où tu sors toi? T’es qui?
-Votre nouveau supérieur, chef.
-Je vois.

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’océan…

Ou était-ce Caroline??

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’océan…

Alors pour résumer, votre mission, si vous l’acceptez, sera de…

jeudi 23 août 2007

Dans une ville qu'on appelle Bergame

Tremblant, j'observais ma tronche dans le miroir au reflet terni de cette toilette de gare d'Istanbul. J'étais dans un état de choc pitoyable. Ma vie n'était qu'une série de rebondissements sans fin depuis quelques jours. Je me demandais s'il fallait décider si on en avait assez ou si c'est la vie qui se charge de nous indiquer que nous sommes des êtres brisés.

J'aurais pris quelques cachets afin de cacher mes tremblements à mes compagnons de voyage, mais je les avais laissés sottement dans mes bagages restés sur le train.

Il fallait tenir bon. Ce coup fumant promis par mon ancien mentor soviétique était sans doute la chance tant attendue qui me permettrait de rembourser mes éternelles dettes de jeu en plus de pouvoir m'établir dans une ville qu'on appelle Bergame, juste à côté de Milan. Je me ferais construire une villa.

Mais je suis paumé et quand on est paumé, on ne fait pas ces choses-là.

Le Bosphore à plein nez

De quelque façon que l'on appelle cet endroit, ça sentait le Bosphore à plein nez.

Ça sentait aussi la foule dense et compacte des gares, ça sentait le parfum étourdissant de ces belles femmes énigmatiques et moyennement moyen-orientales, ça sentait le vieux porteur de bagage, ça sentait, ça sentait la…

Ça sentait la froide gueule métallique d'une arme dans mon dos. Un homme à la fine moustache noire tenait cette arme ; je le voyais dans mon angle mort. Il avait le nez pointu, les yeux vifs et foncés, les sourcils semblaient taillés. Il avait une tête de souris méchante et têtue, une souris qui ne connaissait pas les vertus d'un coupe-coupe à poil de nez. On aurait pu tresser ces poils pareils à des fils d'acier. Il avait ces lobes d'oreilles gigantesques auxquels les Chinois continentaux associent longue vie et prospérité. Je me tournais légèrement vers lui, ce n'était pas facile, la foule nous poussait, nous faisions corps, lui et moi et la foule vers un escalator que nous fument forcés d'emprunter. Je le dévisageais, cherchant la raison de ce revolver pointé sur moi. Il me regardait intensément et me dit, ses sourcils en point d'interrogation :

- Paul Vergunsten ?

- Heu, non, fis-je, ce n'est pas moi.

- Toutes mes excuses, il y a méprise, dit-il dans un français sans accents.

Il fourra son revolver dans sa poche gauche. Nous nous sommes serré les mains et il partit de son côté. J'en profitais pour aller pisser.

Dans les Dardannelles

Je lis. Depuis mon départ du Kazakhstan que je lis. Direction Madrid. Bénéficiant de vacances prolongées, j’ai choisi de prendre le train. Un modèle tout ce qu’il y a de plus moderne. Sans doute le même qui a servi à Gengis Khan pour envahir la région. Rien que du vintage, je vous assure.

– « Va te perdre dans ta Sibérie occidentale », m’a simplement lancé mon supérieur à l’escouade en entérinant mon congé sans solde (garanti par mon syndicat) lorsque je lui ai téléphoné pour lui annoncer mes projets dans le domaine du funambulisme.

Après deux Mankell et un Denis Monette, j’ai relevé le niveau en lisant toute l’œuvre d’Hemingway. Par chance qu’il me reste Les frères Karamazov pour compléter, car sinon je devrais acheter quelques romans à Turin ou Marseille.

Je suis loin du compte. Le train s’immobilise à l’instant. Istanbul ou Constantinople, je n’ai pas bien lu. Helena et Sharpy-Forzessel sont dans le compartiment voisin. Je profiterai de la pause pour écrire à mon père afin de reporter mon prochain rendez-vous.

Profitant de l’escale, le Kolonel et sa douce vint me rejoindre pour une sortie en ville. Enfin, nous avions quitté la poussière de la campagne turque et le cercle de l’influence russe aussi. Je commençais à en avoir marre de cette satanée pivo. Vivement une bière!

Le capharnaüm qui nous attendait à la sortie de la gare nous confirma que nous n’étions ni à Istanbul, ni à Constantinople. Non franchement, c’était Byzance.

mercredi 22 août 2007

El zirque

Je n'avais jamais été un grand fan de vodka. Cette boisson à base de patate fermentée m'a toujours semblé l'apenage des grosses brutes. Et je ne suis ni grosse, ni brute. On ne se refait pas.

- Venons-en au fait, s.v.p., Herr Kolonel. Vous me faites venir ici, je suis dans un état lamentable et j'ai l'impression que mes vacances sont irrémédiablement gâchées. Je ne suis surement pas ici à cause d'un excès de nostalgie de votre part, n'est-ce pas ?

Le vieux barbichu se regardait les pieds.

Il frappa du pied un objet invisible, toussa et me lança un regard foudroyant accompagné de ces paroles :

- Gomme je te l'ai dit, ze t'ai fait venir barczegue ze zais bour gui tzu travaille, pendant les vikend, du moins. Zai vu oune vidéo de toi à l'oeuvre. Wunderbar ! Mazette, tzu es devenue un grand Vunembuliste ! Tzu travailles pour les Zambolglininionis, le blu grand zirque du monde ogzidental!

- Her Kolonel, je n'ai aucun mérite, vous m'avez tout appris lorsque j'étais prépubère. Vous me récompensiez de votre amour pour chaque nouvelle figure funembullistique.

- Ne zoit bas si modeste. Ja, arf, zest frai que nous vormions une sacrée équipe… J'ai engore bezoin de toi, de ton wunder art, ze monte un coup vûmant qui va nous rendre riche, nous zeront gouvert d'Euro ! Bartons bour Madrid, ja ?

mardi 21 août 2007

La concession

Faire équipe avec le Kolonel… J’y avais pensé dans ma folle jeunesse, mais aujourd’hui, à 46 ans, j’avais plutôt envie d’en avoir 28.

Ce 28 ans bien frappé, pendant lequel on se croit tout permis et rien de moins, était près de mes pensés quand Helena se tortilla devant moi et m’essuya bien bas. J’en étais ravis et je lui montrai mon désir d’avoir une zigarette, oh pardon, une cigarette, en pointant du doigt le paquet qui était sous sa chemise.

-Arf. Za n’est pas les zigarettes. Ça être un picemiker exsterne. Zé soui carldiak depuis zinquans.

-Je vois, ça prend du cœur pour être cardiaque ici, n’est-ce pas?

-Woui, mais zi ze n’en l’avait pas le cœur, ze ne zerait pas carldiak.

-Vous avez tout à fait raison, ce qui me fait penser que je vous prendrais bien un gin tonic.

-Arf, ze zoui dézolée, il n’y a pas gin tônik izi, il y a vodka. Ze vais fou mettre.

-Non, je vous en prie.

-Zizi, ze vais vous mettre ce bandaze et ze fait vous monter.

-Que dites-vous?

-Ze vais vous monter debout pourlque vous viennez voir la vodka. Zé bocou la vodka… À la pôme, à la kiwi, au cassisss, mais il n’y a plus la vodka avec la orange, zeulement à la zitron passke zété volée parlé voleurs de vodka avec la orange.

-C’est fort malheureux.

-Woui, mais ze soui la concession de la mark Vodak Goude izi à Gouziev. Ze peux vous faire bons prix.

lundi 20 août 2007

La pied bot de l'Oural

Le choc de cette rencontre s’estompant, mon corps me retourna quelques signaux de détresse. Le liquide vermeil me coulait du Nord au Sud en passant par mon arcade sourcilière gauche, c’en était déplaisant.

– Arf, excusez-moi, Herr Sharpy-Forzessel, en montrant ma blessure du doigt. Je crois qu’un simple coup de téléphone aurait suffi pour planifier un rendez-vous avec moi. Vous ne pensez pas?

– Brave tovaritch! Zest en blein che que ch’ai dit à mes zhommes. Arf! Ma maitrize du Kazakh moderne n’est bas auzzi bonne que celle de mon franzais. Helena! Fenez-zissi.

À ces mots, une sculpturale demoiselle fit son apparition dans la pièce. Elle marcha vers le Kolonel d’un pas allègre. Aussi allègre que possible lorsque l’on a un pied bot. Le Kolonel s’adressa à elle dans un mélange d’allemand et de russe que mon état m’interdisait de comprendre. Elle se dirigea vers moi pour examiner la source de mon Mississippi personnel.

Lorsqu’elle se pencha vers moi, mon regard glissa accidentellement dans l’échancrure de sa blouse d’où s’offrait à moi une vision tout droit sortie de l’imaginaire de Réjean Tremblay. J’entendis Sharpy-Forzessel s’esclaffer.

– Che fois bien ton œil torfe, betit tovaritch. N’y benze même bas! Helena est ma vitèle gompagne debuis que che zuis zissi.

Helena rougit et alla chercher de quoi me soigner.

– Il est temps que che vous vasse fiziter les lieux, tovaritch! Ze ne vous chai pas zorti de vos vacances pour rien. Che zais pour qui fous trafailler. Faiszons équipe enzemble!

Herr Sharpy-Forzessel

- Ah AH, jeune tovaritch, yo zuis pien gontand de you retrouffer zissi!

- Arf, vous, fis-je simplement.

Mais dans mon dedans de moi, au plus profond de mes entrailles, cette voix et ce visage balafré me plongèrent dans des souvenirs troubles et lointains. Herr Kolonel Sharpy-Forzessel, cet homme qui m'avait tout appris : les mathématiques, la corde à danser et cet amour interdit que l'on appelle l'homosexualité, ce tendre amour qui de ma jeunesse n'était pas accepté. Cet homme qui, maintenant je pouvais l'avouer, m'avait profondément touché. Et qui, comble des hasards, partageait la barbichette conique avec mon psychiatre de père.

- Gomme tzu as bien crandi, gomme tzu est oune tovaritch rezpectable. Za fait gombien ? Eine, za fait gombien de temps jeune wunderkind!

Herr Kolonel était un des rares officiers allemands sous les ordres des Soviétiques à Stalingrad. On le surnommait affectueusement le tromblon venteux. Je n'ai jamais pu savoir pourquoi.

- Et que faites-vous ici, Herr Sharpy-Forzessel?

- Che zuis el Dirigeant de of les entretiens de la place de. Grande fierté. Beutite paye. Zest gomme ça.

Voir Aktaou... et survivre !

Depuis que j'avais entrepris mes études en physique nucléaire au prestigieux M.I.T. que j'en rêvais. Certes, les casse-tête 3D m'ont laissés des souvenirs indélébiles, mais de me trouver - à genoux - devant cette ingéniosité de l'ère soviétique me scia littérallement le souffle. Non seulement produisait-elle de l'électricité, elle désalinisait la mer du même coup!

Qui d'autres qu'un savant kazakh pour penser à une telle double utilisation pour pareille installation. Ce n'est certes pas un cerveau occidentalisé par des rapports incestueux manquants qui aurait pû accoucher d'une telle Merveille technologique.

Il me vint un goût étrange à la bouche alors qu'on me força à me lever et me conduisit, pieds et mains liés, à l'intérieur du légendaire bâtiment. Outre le sang coagulant de mon sourcil gauche qui se frayait une rigole dans mon visage par les rides de mon nez, je ne pouvais en concevoir la provenance... Et pourtant!

La lourde porte blindée s'ouvrit devant moi. Une fumée opaque s'empara de mes globes oculaires. Un chat miaula son désarroi...

dimanche 19 août 2007

Kazakh exquis

Ah, l'air du Kazaqustan. Kazzakkstan. Kazakhstand... Calvaire, pourquoi j'ai pas passé mes vacances à Boston, on dirait que je joue au Scrabble.

Bref l'air du Kaz.. de là-bas allait vraiment faire du bien à mon teint de jeune pêche.

Lentement, les pièces de mon puzzle familial se recollaient. Ahahah, le souvenir qui me remonte; j'avais reçu à Noël (ou était-ce à l'équinoxe du printemps?) un casse-tête Wrebbit, ceux-là même qu'on assemble en 3D et qui nous donnent la tour Eiffel, la Statue de la liberté. Bref, moi j'avais eu la réplique miniature de la statue du col bleu Jean Lapierre. J'en étais à tenter de faire entrer la tête dans le cou lorsque...

- Доминиканской ?

- Oui, c'est moi.

Je savais que je n'aurais pas dû acheter ces fausses montres Swatch à la sortie de l'aéroport. J'ai eu droit à tout hein : la voiture foncée aux vitres teintées, et le sac sur la tête. Mais rien ne m'aurait préparé à ce que j'avais devant les yeux lorsque je me suis réveillé. Comment je me suis endormi, je ne saurais dire. Ça avait peut-être rapport avec ce violent passage à tabac dans la voiture.

Et maintenant, elle était là, devant moi.

De l'imparfait au présent

Et j’avais bien envie de prendre congé tout court. Un mois sans vacances ni congé, tout le monde s’entend pour dire que c’est une situation exagérée.

En outre, bourreau de travail que je suis, j’allais bien me tuer à l’ouvrage. D’ailleurs, j’avais failli y passer la veille, lorsqu’un piéton sans scrupule avait failli renverser son chariot d’épicerie sur ma moto. Ce citoyen de la rue l’avait en plus rempli de sacs de vidange et de couchage, j’aurais été ensaché comme l’éclair si le feu rouge n’avait pas ralenti puis arrêté mon allée.

Toujours est-il que oui, j’avais une forte envie de prendre quelques semaines de pause. Et c’est ce que j’ai fait. Voilà pourquoi je suis ici, à Gouriev. J’admets que la mer Caspienne n’est pas seulement profonde et que, oui, je joue dans mon nez. Mais le ciel est aujourd’hui voilé et on annonce 38 degrés.

Éloge de la fuite

Mon père leva les yeux au ciel. Son non-verbal disait tout. Néanmoins, il le dit quand même:

– Pourquoi faut-il toujours que j’entende ces mots? Pé-dé-ras-tie! Ma-mel-leu! Ton dossier indique bien que tu n’es pas un so-do-mi-te. Tu vois? Je suis aussi capable de dire ces mots.

J’étais en colère, mais j’essayais surtout de cerner ce père manquant qui m’avait laissé seul avec ma mère avant de partir pour la guerre. Tout ce que je savais, c’est qu’il était devenu psychiatre dans un village. Curieuse coïncidence que le juge m’assigne sans le savoir à être consulté par mon propre père. Ça ne pouvait pas plus mal tomber considérant les circonstances.

Dès mon arrivée dans son cabinet, j’ai su devant qui j’étais. Le prénom concordait et sa gueule était la même que la mienne lorsque je me réveille au petit matin après une cuite trop marquée. Je ne parlerai pas de pilosité faciale… On croirait des jumeaux. En fait, sommes-nous des jumeaux décalés de 34 ans? Allez savoir!

Mon père me sortit de mes pensées.

– Je suis si heureux que nos chemins se croisent à nouveau. Ce sera comme une renaissance pour nous deux. Tu verras, tu ne regretteras pas ce jour. Par contre, il ne faudrait pas que tu avises ton supérieur, gardons ce petit secret entre nous.

Comme si je voulais aller me vanter à l’escouade des stups que j’avais retrouvé mon père. J’aimais mieux le rôle de fils manqué. Je pris congé de lui.